Brume et Croyance...

Les rues étaient froide, couverte d’un tapis humide et glissant, fruit d’une pluie fine et vicieuse, ce genre de pluie trop froide, si fine et brumeuse qu’aucune protection ne l’arrête, elle s’immisce partout et glace votre peau, parfois vôtre être.

C’est dans cette atmosphère pesante qu’un jeune homme aux cheveux de feu arriva en ville. Il était vêtue entièrement de blanc, de ses bottes à sa chemise en passant par son pantalon de tissus fin, si fin qu’ils finirent par lui coller à la peau comme ses cheveux, moulant un peu plus un corps qui semblait vouloir se briser à chaque coup de vent, un corps rendu affreusement désirable par sa nouvelle humidité…

Dolorem guida ce corps qu’il savait enivrant jusqu’au centre de la ville, s’installant au centre de la place, admirant le Temple qui se dressait en face de lui. Plus personne n’était dehors, tous chassés par la pluie et la brume omniprésente, néanmoins, on pouvait parfois apercevoir une silhouette rapide courir d’une maison à une autre, cherchant un abris, cherchant à fuir ce brouillard qui était porteur de lourd secret, porteur d’un malaise étouffant.

Les mornes pas du cadavre possédait le menèrent à l’intérieur du temple déserté… Il y avait bien quelque religieux et religieuse, mais aucun ne porta de réelles attentions à ce jeune homme ruisselant, non pas par désintéressement mais surtout par pudeur…

Dolorem s’avança lentement vers l’autel, on pouvait le suive à la trace liquide qu’il laissait derrière lui. Une fois prêt du dit hôtel, il leva les yeux au ciel, regardant dédaigneusement la statue de la déesse, un fin sourire se dessinant doucement sur ses lèvres perverses.

*Détestable religion…Détestable croyances…Je vous engloutirais en même temps que le reste…*

Son sourire ne put que s’étendre à la simple pensée de ce qu’il ferait subir à ces gens, à ces idées… Et son sourire fut bientôt accompagné par des spasmes nerveux, provoquées par son fou rire qui résonna sinistrement dans l’immensité du temple.

(J’ai droit à un(e) gentil(le) Néanteux(se) pour me Néantiser ? )

Pathétique moutons…Leur foi était donc si faible ? Il suffisait d’un rire pour qu’il oublie leurs préceptes et pensent à leur vies ? De telles créatures ne méritaient même pas de respirer l’air qu’elle avalait pour vomir leurs cantiques méprisables.

Dolorem étouffa son rire dans sa gorge en entendant les paroles d’une des dernières personnes présentes, une prêtresse à l’allure aussi cassante et fragile qu’une tige… Il se tourna vers elle lentement, plongeant ses yeux dans ceux de la prêtresse. Qu’elle était enivrante sa sourde colère, qu’il était excitant d’éveiller ainsi sa fureur pour la contraindre à la violence… Ainsi la Foi menait invariablement à la douleur…

Dolorem présenta lentement son torse à la prêtresse, écartant les bras en croix, le tissu mouillé collant à sa peau pour en mouler chaque dénivelé, les gouttes glissant tout le long de son être étaient un millier d’invitation perverse… Cette symphonie d’érotisme se vit offrir un nouvel accord lorsque l’Être de Brume afficha un sourire aussi superbe que sinistre, aussi attirant qu’effrayant…

« Et quel est mon espèce ma sœur ? En quoi suis-je plus délinquant que vous ? N’avez-vous pas aussi élevé la voix ? Hum ? »

Son sourire se fit plus mutin, plus malsain à mesure qu’il planté son regard dans celui de la jeune femme. Son regard… Un regard où s’affrontait un tumulte effrayant… Etait-il fou ? Excité ? Comment le savoir ? Si les yeux sont le reflet de l’âme, alors cette âme devait être aussi incompréhensible que les écrits d’un mages opiomane.

Dolorem espérait avoir provoqué un peu plus la colère de la Vierge, il espérait la pousser à le malmener, à molester son corps d’emprunt… Puis il pourrait toujours pousser le vice à tenter de la corrompre, à la faire quitter son chemin de piété pour la plonger dans les abîmes de la débauche… Ou alors la plonger directement dans le Néant éternel…

Enivrer par ses pensées, Dolorem mit un temps à apercevoir l’homme encapuchonné, mais il n’y prêta, pour le moment, aucune attention. Il aurait tout le loisir de l’inviter plus tard à se joindre à lui et à ses jeux…Ou alors il fuirait comme tous les autres… La roulette du Destin pouvait être si jouissive par moment, comme l’extase de l’attente que peut ressentir un condamné en voyant l’ombre du fouet sous lui et qu’il se demande où la lanière de cuir frappera… C’est dans cet état second que Dolorem attendait la réponse de la Vierge, les bras toujours écartés, offrant son torse d’éphèbe à toutes les violences.

Le profanateur ne semblait pas être enclin à obéir sans discuter aux injonctions de la prêtresse. Au contraire même, il se montrait insistant voire potentiellement dangereux. Cet adolescent à la chevelure chatoyante se montrait maintenant entreprenant avec la jeune fille innocente qui vivait au temple. Elle avait comme l’impression que cet ignoble personnage se moquait éperdument de ses vœux de chasteté. Se sentant insultée, la belle sortit de sa robe un revolver en argent qui reflétait le regard plein de détermination de la servante d’Oraya.

Elle dirigea le canon de son arme vers le rouquin et tira. La balle se planta dans le mur de pierre en émettant un sifflement désagréable. Un filet de fumée blanche s’échappa de l’orifice par lequel le projectile était sorti avant de se fondre dans l’air. Elle avait volontairement raté sa cible. Ce type ne lui avait encore rien fait, elle ne pouvait donc pas l’attaquer la première. Il fallait juste l’effrayer et l’obliger à partir. Les parias, les troubles-fêtes et les criminels n’étaient pas les bienvenus dans l’enceinte de ce sanctuaire. La prêtresse connaissait bien cette procédure et comptait bien la suivre rigoureusement.



« - Ceci était un avertissement. Sortez d’ici ou je serais obligé d’utiliser la manière forte ! Ne m’obligez pas à vous faire du mal ! »

Elle ne répondit pas à la provocation de son interlocuteur. Dans des cas comme celui-ci mieux ne valait pas rentrer dans le jeu de l’adversaire. C’était le meilleur moyen pour perdre sa concentration ou dévoiler l’une de ses faiblesses. Toujours rester de marbre c’était la condition de la victoire. Tenant toujours entre ses mains l’objet qui allait certainement lui sauver la vie, elle ne fit plus attention à l’étrange personnage assis dans au fond de la chapelle. Il n’avait toujours pas bougé depuis le début de la confrontation. Peut-être s’était-il endormi ? Ou peut-être avait-il trop peur pour se lever.

Le raffut provoqué par le tir avait ameuté deux autres protectrices du temple, qui avaient accouru jusqu’à la salle de prière. Elles avaient échangé leurs longues robes brunes pour des pyjamas plus douillets et plus confortables. Elles comprirent rapidement à ce dont quoi leur sœur faisait face et se hâtèrent de la rejoindre faisant ainsi augmenter le nombre d’adversaires auxquels l’être des brumes allait être confronté.

« - N’embête pas notre amie ! » crièrent-elles d’une même voix.

Elles firent apparaître dans leurs mains des armes en tous genres allant du poignard basique à la hache au triple tranchant. Inutile que le nouvel arrivant se retrouvait à présent dans une situation délicate. Ses opposantes avaient toutes l’air prêtes à se battre, et leur nombre ne faisait que croître leur assurance. Sur le point de se jeter comme des fauves sur le pauvre Dolorem, elles n’attendaient plus que sa réponse.

Magnifique colère… La donzelle venait de sortir une arme dont les reflets d’argents trouvèrent un écho dans le regard de l’Être des Brumes. Enivrante sensation que celle d’être prit pour cible, de pouvoir presque toucher la douleur que promettait ce canon… Le sourire de Dolorem se fit plus large, quoique plus pervers et malsain encore…

Le coup partit…La balle siffla prêt de son oreille, une symphonie puissante, grandiose, la transcendance même de la musique. Dolorem avait gardé les yeux grand ouvert quand la balle était partit, attendant la vive douleur qui ne vient pas…Il allait donc devoir conserver ce corps encore quelque temps de plus. Elle l’avertit ensuite, faisant s’ancrer son sourire malsain dans son visage alors que ses yeux admirés les volutes de fumées et leur ballet reposant.

« La manière forte… »

Il avait répété ceci comme un murmure, la bouche entrouverte comme une invitation à tous les vices. Cette phrase avait dans son esprit une résonance inimaginable, comme une promesse de mariage et de fidélité éternelle qui le lierait à la souffrance et au plaisir qu’elle procure, à la destruction qu’elle engendre et au Néant qui en résulte… Quel somptueux enchaînement, si prometteur, si ravissant.

Le coup de feu attira d’autres vierges, deux pour être exacte… Deux vierges qui refusait de perdre leur sang pour un mâle mais qui ne rechignaient visiblement pas à le faire couler. Mais vue leur promptitudes à sortir les armes, Dolorem crut comprendre que son identité de parasite avait était découvertes, dommage, généralement cela prenait plus de temps, à peu prêt jusqu’au grand final. Mais, dans le doute, Dolorem ne montra toujours aucune agressivité, rebaissant simplement ses bras le long de son corps humide, baissant de moitié la tête pour dévisager chacune des prêtresses d’un point de vue plus bas, leur offrant seulement ses yeux dissimulé derrière ses mèches. Il prit une profonde inspiration en écartant à nouveau les bras, se redressant théâtralement en expirant baissant très légèrement ses bras en ouvrant bien grand les mains, offrant à nouveaux son corps à toutes les violences.

« Vous iriez faire couler le sang d’une brebis égarée dans un lieu saint ?...Vous seriez capable d’une telle impiété ? D’autant de violence gratuite ? »

Dolorem savait que généralement, les prêtres n’attaquaient jamais en premiers et encore moins dans l’enceinte sanctifié d’un temple. Il avait donc toute liberté pour les malmener psychologiquement et insinuer le doute en elles…A moins qu’elles n’aient découvert sa condition d’Être des Brumes, auquel cas même le temple ne le protégerais pas, ceux de sa race étant hait par un bon nombre d’autres peuples et de religions.

Quelle belle contradiction dans la même phrase… Protectrice de le Vie…Tellement protectrice qu’elle donne la mort à tour de bras… Dolorem avait bien vue l’hésitation des jeunes filles mais elles attaquaient tout de même… Son sourire s’étendit alors qu’il avait déjà amorcé un mouvement de recul, essayant d’éviter au moins les armes blanches s’il ne pouvait en faire autant des balles…

Il avait aussi amorcé la projection de son esprit dans celui de la tireuse, se disant qu’il pourrait la déconcentrer ainsi, mais il n’eut même pas le temps de le faire qu’une silhouette longiligne venait s’interposer entre lui et les femmes guerrières, une barrière fluorescente se dressant, bloquant les balles dans l’air sous le regard intrigué et un peu frustré du masochiste.

L’homme parla d’un Kitsune, rappela à Dolorem qu’il était « frappé » et l’invita à le suivre avant d’invoquer un nouveau sortilège qui envoya valser les Vierges avant de leurs mettre le feu. C’est ce dernier détail qui ne fit pas répondre Dolorem et qui le réduisit à l’immobilité. Ses yeux de nacre se posèrent sur les corps crépitant avec une sorte d’excitation sadique qui en dérangerait plus d’un.

Il dévorait ce spectacle comme les flammes dévoraient la chair des Vierges endormies… Quel superbe spectacle que celui de ses princesses assoupies, brulant et expirant avec lenteur… La plus atroce des morts réduite à une tâche silencieuse… Il n’en fallait pas moins pour exciter Dolorem dont les courbes masculine, en plus d’être moulées par l’eau, commencées à s’agiter.

Mais avant d’essayer de répondre à ses pulsions sadiques, il se tourna vers son étrange sauveur et le détailla de haut en bas, le jugeant redoutable combattant. Ou en tout cas, très démonstratif… Après cet examen minutieux et quelque peu insistant, les perles grises du Fils de la Brume se posèrent dans le regard du Ninja, une seule question venant briser le nouveau silence du Temple.

« Et qui êtes vous ? »

Qu’elle exquise odeur, délicieux fumée de la Mort… Il pouvait presque palper cette froide apparition qui venait ramasser les âmes des catins de monastères… La réponse de l’homme lui fit d’abord arquer un sourcil et pencher la tête sur le côté d’un air peu intéressé…

Toru-san… Une organisation cherchant le don d’un Être des Brumes… Il existait pas mal de groupuscules et d’associations criminels qui cherchaient le soutien d’un membre de cette effrayante race. Mais c’est la fin de la phrase qui arracha un frisson langoureux au psychotique… Ainsi le Néant venait à lui…Tss… Pathétique organisation de prétentieux…ls ne méritaient pas de porter le nom d’un état aussi absolu, aussi grandiose que celui de Néant…

Perdu dans cette sorte de rêverie seconde, il fallut l’arrivée des prêtresses et une nouvelle intervention du ninja pour sortir le dément de cette morbide torpeur. Dolorem planta son regard dans celui des prêtresses, utilisant son pouvoir contre elles, les forçant à affronter son véritable aspect dans toute sa cruelle splendeur.

Puis, presque dans le même mouvement, il posa ses deux perles grises dans le regard du Ninja et son visage s’étendit d’un sourire cruel, effrayant pour le commun des mortels, commun chez les membres du Bastion… Quoi que, le sourire de Dolorem respirait la pure cruauté, sans aucune limite, aucune teinte du moindre autre sentiment que celui du Mal absolu, de l’envie de devenir le vrai Néant, celui qui absorbe et détruit tout, transcendant l’esprit et la matière au-delà de tout… Dolorem était simplement effrayant…Un cauchemar fait de chair, de sang, et de Brume parasite… Et si tant est qu’il ne parvenait pas à effrayer, il était au moins dérangeant et faisait partie de cette catégorie peu importante de personne qu’on ne tient plus à revoir tant leur simple présence alourdie l’atmosphère.

« Y participer non… Mais la transcender… »

Toujours cette envie, obsédante de transcendance, d’absoluité… Sans aucune once d’hésitation, la marionnette de chair traversa le portail pour se retrouver dans le Bastion, en observant les murs avec désintéressement… C’est donc tout cela que leur inspirait le nom qu’ils s’étaient donné ? Un Temple pour pillards et criminel ? Et où était le Néant dans tout cela ?

*C’est assez décevant…*

Dolorem se tourna vers le trou que formait le portail magique dans l’air, attendant que Toru arrive.

[Bastion - Remparts Invisibles]