Demeure familiale

[Premier post]

Jambes croisées dévoilant une cuisse parfaitement calbée presque jusqu'à la fesse grâce à une large échancrure dans la robe, la tête sur la main, coude appuyé sur l'accoudoir de son petit "trône", Thamy bailla.
Devant elle, droits comme des i, ses favoris du moment qui avaient échappé à son ennui. Le premier était un chanteur brun à la voix suave et au port altier, elle ne se souvenait jamais de son nom. Le deuxième rentra son ventre rebondi lorsqu'il sentit que les yeux de la belle se posaient sur lui ; il n'était surement pas le plus beau du lot mais son argent et ses nombreux cadeaux la ravissaient toujours autant. C'était la pauvre femme du malheureux qui devait ne pas apprécier la situation puisque tout ce que l'homme possédait lui revenait à elle. Cela l'amusait de s'imaginer la femme délaissée dans ses habits rapiécés et sa maison vide. Le troisième était son dernier amant en date. Il n'était pas physiquement le plus charmant mais qu'est-ce qu'elle l'aimait au lit !
Et enfin le quatrième... Elle ne savait dire pourquoi elle l'aimait beaucoup ce petit-là. Peut-être pour son silence et sa discrétion, pour son joli minois de gamin. Elle était littéralement tombée sur lui un jour dans la rue, quelques années auparavant. Il n'avait jamais pu lui dire son nom et elle l'appelait donc très affectueusement Garçon. Aucun mot n'avait jamais franchi ses lèvres mais dans ses yeux elle voyait toute l'attraction qu'elle exercait sur lui. Et cela lui plaisait plus que tous les mots du monde.

Son regard passa de l'un à l'autre, se demandant combien de temps elle allait les garder ceux-là... L'un d'entre eux trembla légèrement en la voyant bailler et elle lui sourit.
"Ne t'inquiètes donc pas ! C'est simplement de la fatigue... Avez-vous bien nettoyé la cour ?"
Ce fut le plus vieux qui répondit en inclinant la tête : "Tout à fait Mademoiselle Thamy ! Vous pouvez juger par vous-même qu'il n'y a plus aucune trace."

Elle se leva donc et se dirigea vers la fenêtre.
Après son profond ennui durant lequel une quinzaine de sa "suite" personnelle avait perdu la vie, elle était montée à sa chambre suivi des quatre derniers. Elle s'était débarassée de sa robe tachée la laissant choir au sol et Garçon était venu la ramasser pour l'étendre sur une chaise vide. Aucun d'eux n'avait failli, n'avait bougé quand elle avait tué les uns après les autres tous ceux qui l'ennuyaient. Ils avaient plus de courage que les autres et elle aimait ça. Certains s'étaient mis à paniquer, à la supplier mais un seul seulement avait réussi à s'enfuir... Elle aurait pu le suivre, ça aurait été assez drôle même mais se montrer au grand jour dans sa robe brune tachée de sang n'était pas une très bonne idée.
Mais peut-être aurait-elle du envoyer l'un des quatre pour le rattraper... ?
La cour était nickel, rien ne subsistait de son dernier jeu. Elle ne pensa même pas à demander où ils avaient mis les corps. Cela ne l'intéressait pas de savoir... ces gens ne méritaient plus son intérêt. Son regard noir se porta vers l'avant de la cour et le grand portail noir qu'elle apercevait plus loin. Il lui sembla qu'il y avait de l'agitation dehors. Elle ouvrit la fenêtre et les clameurs de la rue lui parvinrent alors. On venait la chercher...

"Ca va être amusant vous ne pensez pas... ?" dit-elle en se tournant vers ses favoris en se mordant la lèvre inférieure. Elle passa sa main dans ses cheveux blonds, les recoiffant légèrement de ses doigts, tira sur sa robe pour la défroisser un peu et enfantine, reprit son air de princesse.
"Comment pourraient-ils croire que c'est de ma faute... ? J'ai perdu mon cher papa quand même..."
Ele fit mine d'essuyer une larme puis un grand sourire découvrant ses dents blanches illumina son visage de poupée et elle se mit à rire de sa voix douce et cristalline.

Le seul à esquisser un sourire fut Garçon, les autres restèrent de marbre, du moins extérieurement.

Ce fut une jeune femme au visage triste d'ange qui se présenta devant le large portail de sa demeure familiale. Derrière elle, quatre hommes silencieux. Le bruit de l'autre côté se faisait plus fort encore mais Thamy ne fléchit pas de sa petite comédie. Elle comptait s'amuser et pour cela tout devait rester comme elle le souhaitait.
Elle respira un grand coup et fit signe derrière elle. Ils ouvrirent les lourdes portes de métal et le peuple massé derrière eut un instant de surprise alors qu'ils tentaient depuis plusieurs minutes d'ouvrir le grand portail. Ils allaient entrer furibons, rouges de colère et de haine quand la première rangée posa les yeux sur la jolie blonde qui se tenait droite devant elle et s'arrêta nette. Les prunelles noires de la demoiselle étaient emplies de larmes salées qui n'attendaient qu'un peu pour se déverser silencieuses sur les joues pales de la jeune femme et une petite moue, arc décroissant légèrement tordu par la tristesse, qui essayait de leur sourire. Elle tenait ses mains jointes au niveau de sa poitrine, un mouchoir immaculé serré entre ses doigts tremblants.
La voix qui s'éleva alors dans le silence pesant de l'assemblée sembla un murmure : "Merci à vous d'être venus..."
Elle avait tant l'air d'une petite fille triste qu'une grosse dame s'avança vers elle pour la consoler. Un homme la tira en arrière violemment et la menaça d'une main tendue.
"Je vous en prie monsieur. Ce jour est déjà bien trop triste... funeste..." Des sanglots l'étranglèrent et sa voix mourut. Elle baissa la tête et respira un grand coup comme si elle voulait éviter que les gens la voient pleurer.






Garçon s'approcha de Thamy et lui prit les épaules tendrement fixant les "spectateurs", attendant leurs réactions. Le fait que la première femme est voulue s'avancer s'annonçait comme une bonne chose mais l'homme était encore méfiant. Il lui semblait entendre le mot "Sorcière" mélée à celui de "Meurtrière" qui fusaient dans la foule compacte. Ceux de devant rapportaient par dessus leurs épaules ce qu'ils voyaient et entendaient afin d'en faire profiter tout le monde. Une seule personne avait réussi à envenimer les coeurs de toute la population et le jeune homme savait que ce ne serait pas facile pour sa protectrice de tous les berner. Il s'efforçait de paraître attristé mais au fond de lui il sentait battre un coeur qui ne rêvait que de tuer celui qui avait fait tant de mal à Thamy. S'il ne l'avait pas laissé partir, s'enfuir, prévenir tout le monde, elle ne serait pas mise en danger en cet instant. Mais il croyait en elle et ferait tout pour l'aider.




L'étreinte de son préféré tombait vraiment à pic pour la jeune noble. Si elle était seule de son côté rien ne se passerait comme elle l'attendait. Que les autres restent immobiles ne la fâchaient pas vraiment. L'opinion publique était le plus important pour eux. Ils se devaient de rester neutres face à tous ces gens prêts à la lincher. Le brouhaha reprit parmi la foule. Il fallait qu'elle réussisse !
Elle redressa la tête. Les larmes avaient coulé sur ses joues. Elle s'était forcée bien sur mais pour gagner le jeu, il fallait être douée !
"Votre présence me fait...(elle s'arrêta cherchant son souffle) plaisir... Je... je me retrouve donc orpheline... (Une nouvelle montée de larmes inonda ses yeux sombres) puisq...que on vient d'assassiner mon père."
Ces mots, prononcer ces mots auraient déchiré un coeur humain normal et ce fut donc à ce moment-là que Thamy éclata en sanglots. Elle était plutôt bonne comédienne et ses pleurs ne sonnaient pas trop faux, du moins à ses propres oreilles. A travers ses larmes, elle observa sans en avoir l'air l'attitude des villageois. Certains semblaient désormais compatir au malheur apparent de la jeune femme, d'autres hésitaient encore... Qui croire ? Les dires d'un prétendant déçu ou les pleurs "sincères" d'une orpheline ? Il s'était présenté à eux en affirmant qu'elle avait voulu le tuer comme elle avait tué d'autres comme prise d'une envie furieuse de sang. Ou se trouvait-il donc ce bonhomme ? N'osait-il pas se présenter à elle ? La défier ouvertement ? L'accabler devant tous des pires maux de la terre ? S'il ne se montrait pas, elle gagnerait. S'il venait...




Qu'est-ce qu'il aurait aimé pouvoir parler ! Pouvoir dire à tous qu'elle était vraiment accablée ! Pouvoir l'aider par des mots lui qui était muré dans le silence depuis aussi longtemps qu'il se souvenait ! Ses yeux marrons se firent tristes mais pas pour la raison que les autres pouvaient penser... Il s'en moquait autant qu'elle que le Maitre soit mort, il ne l'avait jamais apprécié. Il se sentait triste de ne pouvoir faire plus. Il n'était pas inutile, elle le lui faisait savoir si souvent mais... le jeune garçon qu'il était avait besoin de toujours se mettre en avant pour elle.
Que leur aurait-il dit s'il avait pu ?! Il aurait fait l'éloge d'un être pur et sensible terriblement attaché à son père disparu et que ce deuil torturait plus que tout au monde...
Mais il ne pouvait pas et devait se contenter de supplier mentalement les dieux dont il craignait les noms de venir en aide à celle qu'il adorait.

Suzie, nouvellement admise au rang de général du néant par Loki en personne, était serrée dans son petit haut de cuir rose moulant. Dans un pose lascive, elle était étendue sur un muret tout proche, dominant la scène qui se déroulait dans ce manoir. Ses pieds battaient l'air tandis que son menton reposait délicatement entre ses mains. Le mur était suffisament haut pour que les villageois ne la voit pas, mais elle était situé a un endroit ou Thamy ne manquerait pas de la rater...

"Comme cette situation est interessante..." murmura-t'elle pour elle-meme.

En fait ce spectacle la ravissait. Elle était venue pour recruter Thamy, mais finalement , elle allait attendre un peu et voir comment tournait les choses. Allait-elle tous les massacrer? Ou les épargner? Qu'avait donc en tete cette petite noble? Suzie en tremblait d'envie. Ne pas savoir ce qu'elle allait faire la mettait dans un état proche de la jouissance. Et puis, la suite allait certainement faire basculer le destin de Thamy, d'un cote comme de l'autre, pour rien au monde elle ne se serait privée d'une situation aussi électrique.

Elle arrivait à rester tranquille, même si c'était difficile à croire. Ces gens venaient au départ pour la juger, enfin c'était un bien grand mot, le jugement était déjà établi ! Et la tuer pour son crime. Enfin, elle n'arrivait à peine à voir en quoi elle avait pêché. Elle avait bien sur appris depuis toute petite que tuer est une mauvaise chose et que les assassins ne gagnaient pas le Paradis. Mais si ces gens la tuaient, ils seraient également des assassins et cela la ravissait : elle ne partirait pas seule.
Elle essuya ses larmes de son mouchoir immaculé, doucement, élégamment, comme il sied à une dame en deuil.
*Laissez-moi rire !*
Elle releva doucement la tête avec toujours sur le visage cette expression de petite fille touchante qui avait fait fléchir la grosse femme tout à l'heure. Dans un coin de son champs de vision... qu'était-ce ? Elle ne pouvait pas être trop directe et regardait dans cette direction mais sa curiosité était piquée et dès qu'elle en aurait l'occasion, elle examinerait cela, cette forme... qui avait l'air humaine.
Un silence pesant était tombé sur l'assemblée bigarrée. Malheureusement, il fut vite perturbé par l'arrivée de celui qu'elle attendait avec une légère pointe d'appréhension. Elle allait devoir se battre pour gagner, si elle n'était pas la plus forte, elle n'aurait plus jamais l'occasion de s'amuser. Et cela était une chose impensable !


Il se présenta devant elle, dans un costume beige à peine froissé, ses gants blancs pendus à la poche de sa veste de "cérémonie". Jusqu'à ce qu'il la voit, il avait cet air fier qu'elle ne supportait plus et qui lui rappelait tant son père, puis il devint tel un enfant quand il se trouva enfin face à elle. Elle qu'il avait courtisé, elle dont il avait espéré les remarques plaisantes, elle qu'il s'était pris à imaginer serrer dans ses bras... elle qui avait cherché à le tuer ! Comment cet ange pouvait-il cacher un petit diable ? Comment la beauté et la chaleur de ce corps envoutant pouvait-il dissimuler un coeur froid et sans âme ? Il était troublé et intérieurement elle jubilait !
S'il ne pouvait pas l'accuser, elle gagnerait.


"Venez-vous mon bon ami expliquer à ces gens quel malheur a frappé cet endroit ? Quelle tragédie horrible s'est déroulée en ces lieux à jamais salis ? J'ose à peine y croire moi-même... et... dès que mes yeux sont clos, je revois avec horreur toute la scène..."
Elle tamponna son mouchoir sur le coin de son oeil droit pour en essuyer les larmes. Sa main libre avait aggripé fébrile un pan de sa robe qu'elle serrait avec force et émotion.
Elle s'avança vers lui qui n'osait plus bouger et se saisit doucement de son avant-bras. Elle était toute proche de lui et il tremblait presque à son simple contact. Jouissif au possible pour la belle qui ne put résister à plonger son regard sombre dans les yeux verts de son adversaire. Aucune lueur, plus aucune tristesse, juste un regard qui transcrivait une envie profonde...


Il se dégagea vigoureusement d'elle, battant un instant l'air de ses bras pour retrouver un équilibre et une prestance. Elle lui faisait peur mais elle n'avait déjà plus la même apparence. Face aux autres, elle était un ange triste. Quel masque, quelle comédie !
"Cette fille est une sorcière !!" cria-t-il alors, tenaillé par la peur. S'il s'enfuyait encore, elle le retrouverait et le tuerait. Le pauvre homme tremblait de tout son être, sa peau hérissé sous le froid de la mort que lui réservait la jeune femme.
La foule retrouva sa fougue, la raison de sa venue ici. Cela avait circulé dans le village à la vitesse d'une étincelle mettant le feu aux poudres. Les hommes levèrent le poing en criant, les femmes se bousculaient en hurlant au monstre. Les portes étaient trop étroites et ils restèrent bloqués, voulant tous passer en même temps.


Bon, le jeu tournait comme le vent. Il ne sentait pas bon pour elle mais elle leur faisait face encore. Parce qu'elle ne voulait pas leur montrer son vrai visage, celui de celle qui ne souhaitait plus alors que les tuer tous pour ce qu'ils avaient l'intention de lui faire, elle gardait les larmes dans ses yeux et son air triste. Elle se mit à pleurer, ses paroles furent sacadées de sanglots :
"Pourquoi dites-vous cela ? Pourquoi m'accusez-vous mon ami de cette atrocité ? Vos yeux vous ont trompé... Je n'ai pas laché le corps de mon père durant tout le massacre... Et cette harpie me l'a malgré tout enlevé... et je ne peux... pas... l'enterrer décemment.... et tous ces hommes, tous mes amis... n'auront pas droit non plus à une sépulture décente... C'était bien une sorcière... mais ce n'était pas moi... Comment aurait-je pu faire ça à tous ces gens que j'aimais ?"
Elle tomba à genoux, pleurant de plus belle et espérait ne pas en faire trop.



" Elle ment ! Elle ment !! Elle veut me tuer !! " hurlait toujours le rescapé. Il essayait désespèrement de faire demi-tour dans le flot des villageois qui tentaient de passer le portail. De nouveau certains doutaient et ils empêchaient les autres d'avancer.


Que les hommes sont d'une nature changeante, pensait Thamy lasse déjà de ce jeu qui durait trop longtemps. Il fallait qu'elle le termine !


Rapidement, elle réfléchit. Combien étaient-ils ? Avait-elle une chance contre eux tous ? Elle en doutait. L'effet de surprise ne serait pas aussi fort que tout à l'heure et certains avaient peut-être amenés des armes avec eux. Si elle pouvait compter sur Garçon pour l'épauler, les trois autres resteraient neutres, ne voulant pas servir de cibles à aucune des deux forces en action. Elle ne pouvait pas tous les tuer et cela la désolait. Mais elle ne pouvait pas fuir non plus car ce serait avouer sa faute. Il fallait qu'elle continue son rôle, elle n'avait pas le choix.
Tournant la tête, elle surprit le regard brun de son ami et lui sourit tendrement. Il hocha la tête et se relevant se plaça les bras en croix devant sa protectrice. Garçon secoua la tête de toutes ses forces de gauche à droite faisant voler ses cheveux mi-longs de chaque côté de son joli visage.
Tous dans le village connaissaient ce jeune homme recueilli par Thamy, il venait de la rue et elle lui avait offert une vie plus belle. Que faisait-il ? Que voulait-il dire ? L'agitation cessa un peu et tous attendirent regardant le muet s'efforcer de leur parler. Il ouvrait grand la bouche mais aucun son n'en sortait.

"Elle est innocente !" fut-il lancé dans le groupe. "Le muet est un bon gamin, il nous dit qu'elle n'a rien fait !"
"Faut-il le croire ? Il ne parle pas..." interrogea quelqu'un d'autre.
"Il n'en est pas moins bête !" fusa une voix de femme.
"Que fait-on alors ?" lança un autre à pleins poumons avant que le silence ne retomba sur l'assemblée seulement troublé par les derniers sanglots de Thamy qui se relevait.

Aucun ne savait que faire... aucun ne savait que croire.. aucun n'avait d'idée, aucun la fibre de chef pour mener les autres, les souder tous ensemble dans une même cause. Ils étaient venus persuadés d'une chose qu'on leur rapportait, désormais ils étaient tous perdus, ne sachant plus quoi faire ni pourquoi. Des gens étaient morts, la fille semblait sincèrement triste, le vagabond appuyait ses dires. L'homme rescapé s'était enfui encore, il semblait avoir perdu la raison. Ils n'avaient plus de raison de rester ici. Un à un ils repartirent penauds vers leur vie, leurs occupations.

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De nouveau seuls, Thamy essuya rageusement les dernières gouttes qui mouillaient ses joues de porcelaine.
Les trois derniers prétendants s'approchèrent d'elle méfiants après avoir refermer le portail.
"Tiens ! Vous étiez là ?!" dit-elle mielleuse mais piquante.
"Mademoiselle, vous..." commença l'un d'entre eux, le poète.
Elle soupira. Ils cherchaient à se justifier... Pathétiques bonhommes !
"Vous avez trente secondes pour déguerpir et je ne veux plus jamais revoir vos têtes de chiens battus !"
Devant la menace, ils ne se firent pas priés et filèrent expressemment se cognant l'un l'autre en franchissant la petite porte du grand portail.
"Enfin seuls !!" ria-t-elle de bon coeur. "Un petit jeu piquant tu ne trouves pas Garçon ? On a failli perdre..."

Elle se souvint alors de cette présence en haut du mur qui avait suivi toute la scène sans bouger. Elle avait enfin l'occasion de s'y intéresser. Le soleil faisait contre-jour, elle ne devinait qu'une silhouette féminine allongée sur le mur comme si cela avait été un soyeux canapé. Elle plaça sa main au dessus de ses yeux imité par Garçon que cette présence intriguait tout autant.
" Le spectacle était-il à votre convenance ?"

La jeune succube s'était rassise à l'approche de Thamy. Ses longues jambes dénudées balançant et fouettant l'air a chacun de ses mouvements. Ses cheveux courts et blonds encadraient un visage ébloui par deux prunelles émeraude captivantes. Dans un mouvement sexy de tête, elle replaça ses mèches folles qui lui retombaient devant la vue.

"j'avoue que je suis restée sur ma faim... " fit-elle en louchant avidemment sur Garçon. Qu'il était apétissant ce jeune homme. Mignon à croquer!

"Mais je rajouterais que ce jeu psychologique était vraiment à la hauteur de ce que j'attendais, Thamara!"

En un éclair, elle était descendu du mur et se trouvait dans le dos de Garçon. Presque plaquée contre lui, elle faisait semblant de lui croquer l'oreille, avant de reporter son attention vers la jeune fille. Elle était maintenant face à elle, laissant le jeune homme tourmenté par son action. D'une main, elle caressa le visage de Thamy qu'elle avait appelé effrontément de son vrai prénom, et plongeant son regard dans le sien, lui demanda :

"As-tu des projets d'avenir, petite orpheline?"

La femme blonde descendit avec une agilité surprenante de son perchoir. Enfin visible dans son ensemble pour les deux jeunes gens, non plus cachée par la lumière du soleil, elle se révélait être une belle femme blonde et Thamy ressentit une pointe de jalousie quand cette inconnue fit mine de mordre l'oreille de Garçon. Une rivale probable... Mais elle était sure de la fidélité du jeune homme donc elle se contenta de sourire devant cette première provocation.






Le jeune muet fut surpris et dut-il se l'avouer troublé par le geste de la général du Néant. Gardant le dos tourné pour que sa maitresse ne se rende pas compte de son émoi passager, il essaya de calmer ses joues en feu.
Thamy, ou même Thamara, n'avait jamais eu ce genre d'attitude avec lui. Il était toujours là à côté d'elle, prêt à tout pour elle...
Ce sourire qu'elle lui offrit tout à l'heure... Oui c'était un genre de récompense !





"Désolée de vous decevoir madame... mais il n'y a plus ici de Thamara."
Après tout cette femme n'était pas sencé savoir que cette partie d'elle même n'existait plus depuis peu. Cependant Thamy serra les dents à la prononciation de ce prénom qu'elle ne supportait plus, cette façon de faire sonner les voyelles qui lui rappelait son père.

Elle retira sans violence la main de cette inconnue qui s'était posée sur son visage .
"Je ne crois pas vous connaître madame."
Elle avait employé pour la deuxième fois ce mot "madame" de façon tout à fait volontaire. Cette femme était certes plus agée qu'elle à n'en pas douter mais pas encore au point de l'appeler madame. Elle trouvait ça marrant.
"Mes projets ? Un long bain chaud et un bon repas, ne vous en déplaise. Pour le reste, je n'ai pas d'idées particulières... Chaque chose en son temps n'est-ce pas ?"
Elle contourna la succube et se saisit de la main de Garçon dont elle trouvait l'attitude très étrange.





Tout en se gardant de se tourner, il n'avait rien perdu de l'échange entre les deux femmes.
La nouvelle arrivée l'intriguait beaucoup. Qui était-elle ? Que voulait-elle ?
Cette deuxième question l'inquiétait un peu sans qu'il sut dire pourquoi. Une sorte d'instinct.
Quand Thamy lui prit la main, il tourna ses yeux marrons vers elle et lui sourit. Qu'il aurait voulu lui dire que cette femme n'était pas normale !

Suzie se sentit pousser des ailes. Enfin !! Enfin une jeune fille digne d’intérêt ! Quelle douceur mielleuse et sournoise dans le ton employé du « Madame ». Que la provocation était douce à ses oreilles. Ses poils se hérissèrent sur sa peau délicatement parfumée de la sueur de l’excitation. Elle sentait qu’elles étaient de la même trempe. Qu’elle se plairait à en faire sa toute première disciple ! Celle qui trouverait enfin grâce à ses yeux !
Suzie se laissa faire lorsque Thamy lui retira sa main. A son contact, elle frémit presque de bonheur. Elle essayait de sonder l’esprit de la jeune blonde. Oui, oui elle semblait avoir assez de caractère pour ne pas se laisser tenter par une vie meilleure, et ne sombrerait pas de désespoir en embrassant la volonté de Loki.

« Oh, Thamara, ma douce Thamara, mais tu me vexes de ne pas être plus curieuse… »

Suzie jouait autant sur le Thamara que Thamy avec le Madame. Chaque chose en son temps ? Très bien. Suzie le prit comme une invitation, et emboîta le pas de Garçon et thamy.

« Et bien, pendant ton bain et ton repas, je tiendrais volontiers compagnie à ce charmant jeune homme. Ainsi nous pourrons reparler de ton avenir lorsque tu seras décidée. » fit-elle sans la brusquer mais en s’invitant de force. Suzie n’était pas pressée. Et puis… peut-être que… Oui, Garçon était à son goût. Et elle sentait qu’elle pourrait faire enrager Thamy en s’amusant avec son petit protégé. Un sourire amusé, elle fit un clin d’œil au jeune homme tout en lui caressant au passage une mèche de cheveux, avant de retourner son attention la jeune blonde, qu’elle devinait jalouse au ton qu’elle avait employée avec Garçon.
Elle se demanda un instant si elle serait obligée à le recruter également. Peut-être… qu’il serait un jouet appétissant pour elle, et qu’il serait une condition poser par Thamy pour l’accompagner au bastion et qu’elle pourrait les initier à des plaisirs inavoués ?...

"Oh ! Vous nous tiendrez compagnie ? Pourquoi pas... "
Cette femme l'intriguait. Elles se cherchaient mutuellement et ce nouveau jeu commençait déjà à l'amuser. Elle n'avait jamais eu de rivale, ne s'étant jamais trouvé de femme capable de jouer sur le même registre qu'elle. Par contre, à chaque fois que la succube s'approchait trop de Garçon, elle sentait une colère sourde l'envahir. N'étant pas friande de ce genre de sentiment, totalement puéril à son sens, elle essayait de ne pas le montrer et de ne pas y faire attention. Mais... Il était à Elle !



Elle ne lâcha pas la main du jeune homme, gravit les escaliers lustrés et déhambula dans les couloirs suivie de la général du Néant jusqu'à sa salle de bain.
Loin d'être modeste celle-ci reflétait la richesse de sa propriétaire, seule héritière de la fortune de son père : une grande vasque à demi-enterrée dans le sol aménagée avec des blocs de marbre blanc et des lattes de bois clair de grande qualité, un grand miroir pour qu'elle puise s'y admirer brillant comme du crystal sous le soleil qui entrait par les grandes baies vitrées. Elle quitta ses chaussures en entrant et glissa sur le carrelage froid.
"Déchaussez-vous s'il vous plait Madame.(Elle marqua une pause et ajouta en riant) Le bain est large mais je crains que nous n'y rentrions pas à trois. Alors vous m'excuserez de ne pas vous y inviter. Vous pourrez vous asseoir ici en revanche."
D'un geste négligé de la main, elle fit apparaitre une grande chaise qui se trouvait normalement dans sa chambre. C'était celle sur laquelle avait été posé sa robe tachée de sang, chose qu'elle avait oublié : cette dernière se trouvait toujours dessus, pliée par les soins de Garçon. Celui-ci se précipita pour la récupérer et la poser ailleurs afin que leur invitée puise s'y poser.
Thamy ouvrit le robinet d'eau chaude et pendant que l'eau remplissait la vasque de la baignoire, elle se retourna vers celle qui était venue, sans qu'elle le sache alors, pour la recruter et qui s'obstinait à l'appeler Thamara.

"Je ne suis curieuse qu'envers ce qui m'est intéressant. Avez-vous quelque chose d'intéressant pour moi Madame ?"
Elle ne lui demanda même pas son nom, elle le saurait toujours à un moment ou à un autre.
D'un coup d'oeil sur la baignoire, elle s'aperçut que celle-ci était déjà pleine. Elle coupa l'eau et sans pudeur, laissa tomber sa robe au sol qu'elle écarta pour ne pas la mouiller et se glissa dans l'eau.
"Ne fais pas ton timide. Madame notre invitée a du en voir d'autres." Son sourire s'élargit avant de laisser échapper un joli rire frais.





Ce n'était pas la première fois qu'il partageait le bain de sa maîtresse mais le regard de Suzie qui semblait vouloir le dévorer sur place bloquait le jeune homme. Il était bien content de ne pas se retrouver seul dans une pièce avec elle mais ne se doutait pas que Thamy ne l'aurait jamais permis.
Il trouvait étrange qu'elle ait permis à l'étrangère d'assister à son bain. C'était bien la première femme à y assister mais Thamy semblait aussi à l'aise que s'il s'agissait d'un de ses prétendants.

Au son de la jolie voix de sa protectrice, ce rire qui ne laissait en rien transparaitre ce qu'il connaissait d'elle, cet autre côté... Garçon se décida et ota alors son haut qu'il déposa à côté de la robe pleine de sang. Il s'y attarda un moment, touchant le tissu du bout du doigt et un mince sourire se dessina sur ses lèvres. Il se s'était pas attendu à cela, mais devait s'avouer avoir aimé la toute puissance qui se dégageait alors de Thamy à l'instant où elle avait planté ce poignard ciselé dans le ventre de son père avant de faire de même avec la quasi totalité des autres personnes présentes. Il aurait voulu l'accompagner, se sentir aussi bien qu'elle en avait l'air ensuite. Qu'il était heureux de connaître une femme pareille ! Jamais on ne s'ennuyait à ses côtés et pour l'ancien vagabond qu'il était c'était une chose précieuse que le non-ennui !

Un autre regard, plus sur de lui, répondit à Thamy quand il pénêtra nu dans le bain.
Elle vint se placer devant lui, lui tournant le dos et il se mit à faire mousser le savon sur la peau soyeuse de la jeune femme la caressant de ses deux mains fermes.
Ils s'étaient placés de façon à faire face à leur invitée spéciale.

Suzie, d’un pas léger et aérien, suivait presque en dansant ses nouvelles proies. Son regard vert se posant tour à tour sur Thamy et Garçon, elle ne savait lequel des deux elle trouvait le plus à son goût. La candeur du jeune homme ? Qui rougissait à chacun de ses regards et cherchait des yeux l’approbation de sa maîtresse ? Ou la charmante et ravissante demoiselle qui s’obstinait à la refuser ? Suzie était une succube libérée et goûtait tous les délices que lui offraient la vie… ou la mort, cela dépendait de l’instant.

Lorsqu’elle pénétra dans le manoir, elle vit avec une moue indifférente, la richesse des lieux. Elle n’était pas très matérielle alors elle s’en fichait. Et puis, tout cela ne tendait-il pas à disparaître lorsque Loki aurait pris le pouvoir ? Quel dommage et quel gâchis… Mais Suzie se prit à sourire avidement en repensant à son amant. Perdue dans ses pensées et écoutant distraitement sa future recrue, elle arriva dans une salle d’eau particulièrement luxueuse.

Elle se plia obligeamment aux ordres de son hôte. S’assayant d’abord sur la chaise, elle délassa le corsage de sa veste, qui retenait une poitrine généreuse, et posa son veston de cuir rose sur le dossier, ainsi plus à l’aise, elle observa un instant le corps nu de Thamy. Il était parfait, délicatement ourlé d’une peau de pêche et dont le galbe de la jeunesse enivrait la succube. Suzie eut une envie folle de la toucher et l’embrasser. Mais elle se retint, bloquant son élan en ne voulant pas brusquer sa future recrue. Thamy plongea dans l’eau, cachant ainsi son corps. Suzie en profita pour se concentrer sur ses chaussures, qu’elle tardait à retirer. Elle portait des cuissardes de cuir violine. Dézappant la fermeture éclair qui se tenait sur l’intérieur de ses cuisses, elle fit glisser enfin ses chaussures, dévoilant ainsi des jambes sublimes fines et musclées, à la peau dorée, des pieds nus et délicats. Elle croisa langoureusement ses jambes. Garçon hésitait, mais il se décida enfin à quitter ses vêtements et rejoindre Thamy. Suzie laissa vagabonder son esprit, imaginant Thamy et Garçon faire plus que prendre un bain sous son regard bienveillant, à l’abri de l’eau et des bulles...

« Je te propose un avenir à la hauteur de ton talent. Veux-tu rejoindre les rangs de Loki ? »

Fit-elle en restant un minimum énigmatique. Elle sentait que si elle en disait trop, elle perdrait la curiosité de la jeune fille. D’un côté, elle ne lui laisserait pas le choix de la réponse, ses ordres étant très clairs, mais elle souhaitait échanger et faire croire à la jeune femme qu’elle lui laissait le choix. Ca avait le mérite de créer des liens plus solides, voire presque amicaux. Bien que l’amitié était très secondaire à l’amour pour la jeune succube…

Le massage que lui dispensait Garçon la délassait totalement. Elle sentait que ses muscles avaient été tendus toute la journée. Elle fermait parfois les yeux pour mieux se laisser emporter par les sensations qui l'envahissaient.
Elle observait aussi son invitée et se demandait si ce qu'elle lisait dans les yeux verts de la succube était bien ce qu'elle croyait. Après tout celle-ci pouvait bien penser ce qu'elle voulait, cela ne la regardait aucunement. Si de les voir se laver l'excitait, après tout pourquoi pas. Thamy avait souvent joué avec ça pour séduire les hommes en les invitant à l'heure du bain et cela ne la génait pas de penser que cela pouvait faire de l'effet également sur la jeune femme blonde en face d'elle. Cette dernière s'était mise à l'aise, dégrafant son corsage serré et quittant ses longues chausses de cuir. Thamy ne put s'empêcher d'admirer le corps que la succube dévoilait et comme les mains de Garçon se faisaient moins attentives, elle comprit que le jeune homme en profitait également. Elle laissa faire, après tout il pouvait bien regarder tant qu'il ne touchait pas.

Quand l'atmosphère fut posé, que les bulles de savon commençaient à voler délicates et éphémères en dehors du bain lui même, la général du Néant prit la parole pour répondre à sa question.
Un avenir à sa hauteur ? Elle n'arrivait pas à voir ce qu'elle entendait par là... mais ne doutait pas qu'elle ne le méritait pas. Une fille comme elle n'allait tout de même pas pouvoir rester ici, dans cette demeure familiale, dans cette ville où tous se méfiaient désormais d'elle, où elle ne pourrait plus s'amuser avec les hommes, ni avec les autres d'ailleurs... Elle se voyait ailleurs sans rien voir de cet ailleurs. L'avenir avait ce flou insondable et profond des choses qu'on ignore. Elle ne savait en effet pas ce qu'elle pourrait faire pour combler son ennui d'ici quelques jours. Si à cet instant, elle se sentait bien, maîtresse d'elle même, forte par ses actions de la journée, comment serait-elle demain si elle n'avait rien à se mettre sous la dent ?
Loki ? Rejoindre les rangs de Loki ? Elle ne savait même pas qui était ce personnage. Jamais elle n'en avait entendu parler. Mais parce qu'elle n'avait ni peur ni honte de faire étalage de son ignorance, elle demanda en se penchant légèrement en avant dans le bain :
"Qui est ce Loki ? Je n'ai jusque là jamais entendu ce nom... "

Et parce que cela l'intéressait au plus haut point, elle s'avança encore un peu et vint s'appuyer contre le rebord de la baignoire du côté de Suzie. A genoux, elle posa ses coudes sur le bord, la tête dans ses mains et fixa de ses grands yeux noirs sans fond ceux verts de la succube.








Le jeune homme déglutit quand leur invitée se mit à l'aise dévoilant ses charmes.
Il chercha à se concentrer sur le dos que lui présentait Thamy et dont les doigts cherchaient sous la peau satinée les muscles tendus à dénouer. Il y arriva un moment concentré puis finit par relever la tête. Il repoussa les mèches qui lui tombaient devant les yeux manquant de s'y mettre du savon et posa son regard marron sur les belles jambes croisées que la succube présentait sans pudeur. Elle lui rappela Thamy et il sourit en contastant que les deux femmes avaient finalement des points communs.

La conversation ne le regardait pas mais il ne pouvait pas faire comme s'il était sourd. Il ne pouvait pas donner son avis mais cela n'empêchait pas son envie de savoir le pourquoi du comment de la venue de cette étrangère qui ne le laissait pas indifférent. (Oui il devait bien l'admettre !)
Thamy semblait tout autant électriser par cette rencontre et alors qu'elle réfléchissait aux paroles de la succube, elle se tendit de nouveau, légèrement... Il ne put le contaster que parce qu'il touchait sa peau qui se mit à frémir imperceptiblement. Etrangement ses autres sens étaient un peu plus développés que la normale comme pour compenser son manque de parole. Ses longues mains fines descendirent le long des épaules de la jeune fille puis remontèrent en une caresse tendre, autre technique de massage qu'elle lui avait apprise. Il continua son geste machinalement pensant lui aussi à l'avenir.
Son avenir à lui, quel était-il ? Il n'arrivait pas à le voir sans elle, c'était la seule chose dont il était sur. Il y avait quelques années à peine, avant de la rencontrer, son avenir proche se résumait à chercher de quoi manger, un endroit où dormir au chaud... Chaque jour semblable au précédent, lassant et ennuyeux en un sens alors que toute l'énergie qu'il dépensait prouvait qu'il n'avait pas le temps de réfléchir et de s'ennuyer. Depuis qu'il était à ses côtés, les choses n'étaient plus les mêmes... Qu'adviendrait-il de lui si elle partait avec cette femme sans lui ? Il ferma les yeux et respira un grand coup. Non ! Ce n'était pas possible ! Il irait avec elle !

En revanche, lui avait entendu une fois le nom de Loki... Les alentours d'un bar, la nuit, les ruelles sombres et jonchées d'ivrognes, l'odeur de pourriture qui remontait des corps pourtant encore vivants mais rongés par la vermine, les bagarres qui éclataient à tout instant mais que ne duraient jamais les participants étaient trop saouls pour tenir longtemps debout. Lui était debout sobre et contemplatif de cette misère dont il faisait encore partie à ce moment-là. Un rat passa son chemin entre ses jambes et il lui mit un coup de pied dedans ; l'animal fit un vol plané et finit sur le dos sur le couvercle renversé d'une poubelle. Las, il avançait sans but comme invisible aux autres. Quel âge avait-il alors ? Ce n'était pas très longtemps avant sa rencontre avec Thamy, il avait presque quinze ans alors. Et il était déjà blasé de la décrépitude dans laquel s'enfonce l'homme...
C'était dans ce genre d'endroit où il trainait pour ne pas se sentir seul qu'il entendait toutes sortes de choses. Un jour, un type dont les dents déchaussées pendaient dans l'antre de sa bouche, vision d'horreur par excellence, annonça prophétiquement la fin du monde. Personne évidemment ne l'écoutait sauf le jeune sans nom, le mioche discret qui se marrait de la scène mais n'en perdait pas une miette malgré tout. L'homme avait du mal à parler, du fait de ses chicots qui se faisaient la malle, mais il annonçait, accusant le vide devant lui de son doigt tordu, que le Maitre Loki allait se venger et que les Grands Démons Tigres des Montagnes très loin à l'Est se lèveraient pour tailler les têtes des gens avec des ciseaux géants.
Ce souvenir était tout à fait comique et Garçon revoyait sans peine le pauvre homme parler tout seul. Toujours est-il qu'il avait parlé de Loki... Qu'était réellement ce personnage ? L'homme était fou, ou juste complètement fait comme une barrique mais ce nom...
Alors que Thamy s'avançait vers son interlocutrice et que le muet avait une vue tout à fait agréable sur la chute de reins de sa protectrice, il revint à la réalité tout aussi curieux que la jeune fille.

Suzie s’adossa contre le dossier de la chaise. Thamy ne connaissait pas Loki ? Avait-elle vécu si longtemps coupé des autres mondes ? C’était étrange, mais finalement la succube se prit au jeu… Elle avait une jeune fille vierge de toutes connaissances à ce sujet et elle se ferait un plaisir de déflorer son esprit la première.

« N’as-tu jamais eu d’écho des dernières grandes guerres entre ce chien d’Orion et notre guide Loki ?? »

Un sourire malicieux éclaira son visage fin et souple. Le vert émeraude de ses grands yeux rieurs s’étrécit. Comment allait-elle lui expliquer pour la convaincre ? Après quelques instants de silence, où elle avait posé de manière sensuelle un doigt sur ses lèvres rosies pour réfléchir, elle décida d’opter pour la simplicité et d’énoncer ce qui lui semblait être SA vérité !

« Ma très chère… Il s’agit simplement des deux plus puissantes personnes de Zéphira, à l’égal des dieux. On dit qu’ils sont immortels et se livrent une bataille terrible chacun avec leur troupe. Orion n’est que le traître de serpent qui a précipité l’Eden originel dans le chaos. Il joue les repentis, mais Loki sait… Loki veut anéantir ce qu’il a construit, faire table rase de ces terres impures. Mais dans ses rangs, chacun a des buts sensiblement différents. Moi je me plais à croire que l’on va mener ses terres à la libération, l’éclosion de la véritable nature humaine, sans tabous, sans règles dictées et imposées… »

Ce qu’elle ne rajouta pas, c’est qu’elle-même avait suivi Loki surtout pour ses prouesses au lit et son sens du fantasme totalement libéré…

« Alors ? Es-tu des nôtres ? Ton ami est bien entendu cordialement invité. Plus on est de fou, plus on rit, comme on dit…» fit-elle calmement, attendant de savoir si elle devrait user de ses charmes pour la convaincre ou finalement la tuer comme étaient ses ordres si elle refusait…

La général sembla surprise de l'ignorance de Thamy.
La jeune fille avait beau être la fille d'un personnage dirons-nous influent à un certain niveau dans le Royaume, elle n'avait jamais trouvé le moindre intérêt pour la politique et personne ne s'était jamais pris la peine de lui expliquer ce qu'il pouvait bien se passer en dehors de son cocon doré.
Elle répondit à la première question de Suzie, qui n'attendait pas forcement de réponse de sa part, en se mordant la lèvre inférieure, réfléchissant.
"Je ne connais en effet aucun de ces deux noms... Orion ? Loki ? Vraiment jamais... entendu parler... Mon géniteur n'a jamais trouvé utile de me donner une éducation... intellectuelle"
A cette dernière phrase, elle sentit toute la haine qu'elle éprouvait pour celui qui avait été son père dans une autre vie. Cet homme que les autres disaient bon n'avait jamais rien fait pour elle sinon la bercer d'illusions, la montrer comme un petit trophée délicatement posé dans son écrin, l'ennuyer...

C'est donc avec une attention toute consacrée aux paroles de la succube, comme une enfant découvrant de nouvelles choses qui l'intéressent qu'elle écouta et enregistra immédiatement les propos de son invitée.
Des immortels, une guerre sans fin... Des mauvais qui jouent aux bons, des justes dans leur cause, des idéaux, des transformations...
Oui pourquoi pas... Mais cela sembla finalement bien compliqué à la jeune fille. Et c'est alors que la blonde lui proposa de se joindre à sa cause, à la cause de ce Loki. Elle lui expliqua qu'elle pensait que cela permettrait l'éclosion d'une nouvelle liberté des hommes.
Se joindre à cela... Qu'est-ce que cela lui apporterait à elle ?

"On ne s'ennuyera pas, n'est-ce pas ?"
Car telle était sa hantise. L'ennui. Son propre ennui. Les autres n'avaient pas vraiment d'importance. Elle ne se trouvait pas d'affinité particulière avec les idéaux énoncés par la succube. Tout ce qui l'intéressait, c'était de savoir qu'elle ne pourrait plus s'ennuyer une fois qu'elle aurait rejoint ce camps. Celui-là ou un autre... Une aventure ou une autre... Un chemin, un destin... Elle voulait juste quelque chose pour elle.
"Il est évident que Garçon va avec moi où que j'aille."
Elle ne disait pas oui, elle ne disait pas non. Elle n'aimait pas ses mots qui avaient un sens trop net, trop inchangable. Ne pas dire oui ou non, ne pas se prononcer avec certitude jusqu'au dernier instant.





Si les propos de Suzie ne touchèrent pas plus que ça sa jeune maitresse, qu'il connaissait par coeur, Garçon se sentit porter par de nouvelles idées.
Lui, le garçon rejeté par les siens, en voulait secrètement au monde entier. Il avait cet air sage et intelligent, il jouait lui aussi les bons garçons. Le brusque changement d'opinion de la populace tout à l'heure au portail était la preuve de l'apparence qu'il renvoyait. Il ne se sentait pas la force de Thamy mais rêvait de pouvoir faire les choses dont elle était capable. Ce camps qu'on leur proposait de rejoindre... Il pourrait être plus fort... et pourrait... se venger...
Etait-ce un sentiment de vengeance qui habitait son coeur ? Il ne s'en était jamais vraiment rendu compte et n'était pas alors sur que ce soit réellement cela à cet instant.

Si Thamy acceptait, il pourrait aller avec elle. Elle l'avait dit ; ils ne se quitteraient jamais. Cela ne pouvait que ravir le muet. L'ultime question auquel devrait répondre la succube et leur sort à tous les deux seraient fixés.

La succube remarqua le changement d’éclat dans les yeux de Garçon. Un mélange d’envie et de vengeance luisait au fond de son regard muet. Suzie fut séduite par ce mélange de sentiments qui était comme une invitation, un désir et de la volonté. Thamy ne voyait –elle vraiment rien en lui ? Elle semblait si peu attentive à sa personne et si possessive… La succube se contenta de déplier langoureusement ses jambes et écarta les cuisses, posant chacun de ses pieds sur un barreau de la chaise à droite et à gauche, offrant à leur vue juvénile son entrejambe que cachait à peine son petit short en cuir. Elle posa ses deux mains a plat sur la chaise devant elle, se penchant légèrement en avant et pressant sa poitrine à la peau laiteuse entre ses bras resserrés.
De son regard perçant émeraude elle les fixa sans mot dire. Thamy avait l’air si fragile à cet instant, dans sa réflexion, telle une fleur fragile qui ne demandait qu’à éclore pour peu qu’on lui montre le soleil !! Puis elle entrouvrit délicatement ses fines lèvres rosées, comme une invitation au baiser, pour s’exprimer sensuellement :

« Il n’y a pas d’ennuis possible au bastion. Et les missions proposées sont régulièrement mises à jour… de plus... c’est moi qui m’occuperait personnellement de ton éducation et du développement de tes pouvoirs. »

Qu’entendait-elle par éducation ? L’esprit d’une succube pouvait prendre milles tournures et milles sens. Il valait mieux ne pas trop s’y attarder sous peine de se torturer l’esprit. Suzie allait tolérer la présence de Garçon, elle pourrait peut-être même faire son éducation à défaut de développer son pouvoir. Quoiqu’il fallait se méfier des muets. Suzie se rappela la petite Anna muette depuis qu’elle l’avait enlevée sous les yeux de sa mère pour la ramener au bastion… Une vraie traîtresse celle-la. Si elle la retrouvait, elle lui ferait regretter amèrement son échec…

Drôle de position qu'adopta la succube, ce qui fit sourire Thamy.
"Ca ne doit pas être très confortable.. En tout cas, vous êtes très souple." Ce qui était véritablement un compliment dans la bouche de la demoiselle. Chose qu'elle ne faisait pas souvent.

L'heure n'était pourtant pas à la plaisanterie, elle n'en était que trop consciente. Il fallait qu'elle prenne une décision qui allait changer, dans un sens comme dans l'autre leur vie à tous les deux.
Missions, éducation, pouvoirs... Des mots qui résonnaient dans sa tête.
Il n’y a pas d’ennuis possible au bastion, avait-elle dit. Dans ce cas, elle ne pouvait pas refuser. Tout ce qu'elle exédait était l'ennui, le reste n'avait pas beaucoup d'importance. Mais...

Thamy se leva sans prévenir, faisant passer par dessus le rebord une petite vague moussante. Sa peau pâle avait rougi par endroits au contact de la chaleur du bain. Elle essuya de ses mains les dernières trainées de mousse qui couraient sur son corps et sortit de l'eau.
Deux petits pas et là voilà face à Suzie.
"N'avez-vous pas un peu faim madame ?"
Ses yeux noirs brillaient d'envie. Oui sa décision était prise mais était-ce si pressé qu'elle en sache la réponse ? Peut-être une petite folie de la part de la jeune femme, mais après tout, voir comment l'autre réagirait était assez exitant.
Elle tendit la main vers le visage de la Général mais avant qu'elle n'en eut touché la peau, deux serviettes y apparurent et elle se retira pour se sécher après avoir jeté l'autre à Garçon.

"Je ne sais pas où j'ai la tête... J'ignore encore le nom de celle qui a assisté à mon bain."
Son sourire était franc et beau. Deux petites fossettes se dessinaient au coin de ses lèvres. Ses yeux se fermèrent légèrement taquins mais non moqueurs.
Elle termina de s'essuyer et repassa sa robe noire. Cette couleur lui allait bien au teint et elle se regarda dans le large miroir pour arranger les plis et ses cheveux en leur passant rapidement les doigts pour les démeler. Ils étaient mouillés et de jolies anglaises se formaient à leurs pointes.
Elle observait les deux autres derrière elle.





Garçon était prêt et attendait qu'elle termine sa petite préparation.
Il savait ce qu'elle avait décidé, ce n'était pas dur pour lui de le deviner. Elle cherchait là encore à s'amuser en testant la patience de son invitée. Le muet espérait que cette dernière n'était pas pressée car il pressentait sa force et craignait qu'ils ne fassent pas le poids face à elle.





Tout d'un coup, elle réalisa.
"Mais on a plus de cuisinier !"
Lui aussi était mort le matin. Elle sourit à ce souvenir qui en rappela un autre, celui où son père avait surpris le cuisinier en train de la draguer. La tête qu'il avait faite était mémorable et elle n'avait pu retenir d'éclater de rire ce qui ne lui avait pas plu beaucoup. Le préposé aux repas avait filé devant le regard noir que le maître avait lancé et Thamara avait simplement demandé à son père ne pas le revoyer pour si peu. Il l'avait écouté comme toujours et le cuisinier lui offrait tous les plats qu'elle aimait à n'importe quelle heure du moment qu'elle le lui ordonnait.

Elle se retourna en faisant la moue, petite fille déçue. Elle s'adressa à son protégé que cette mimique amusait.
"Pourquoi tu m'as pas arrêtée ? Comment on va manger maintenant ?"
Elle n'avait pas vraiment faim, trop exitée par la proposition de Suzie mais si elle ne pouvait pas faire patienter l'autre ce n'était plus drôle du tout. Elle était déçue de son coup mais éclata cependant de rire devant le comique de la situation.
Quand elle se calma, elle s'approcha de la succube qui s'était levée de son siège et lui présenta sa main tendue.
"Puisqu'on ne peut plus manger, nous vous suivons maintenant."

(désoulée c'est court!)



Suzie fut intriguée lorsque la demoiselle s’approcha de son visage. Puis deux serviettes apparurent dans ses mains. Quel pouvoir intéressant. Vraiment intéressant. Les possibilités d’utilisation étaient franchement réjouissantes… Finalement, cette petite serait fort importante dans les missions d’infiltration, pour voler les orbes, ou autres documents importants. Suzie se réjouissait d’avoir trouver cette petite perle rare, ce diamant brut qu’elle se ferait une joie de tailler…

« Je m’apelle Suzanna et je suis générale du néant. Mais je suis connue sous le diminutif de Suzie. Appelle-moi Suzie. »

Si Suzie avait faim ? Est-ce qu’une succube pouvait avoir faim ? Bien sur… Mais elle pouvait très bien vivre en ne mangeant qu’une fois par semaine ou tous les 15 jours. Par contre… s’éveillait en elle une autre sorte d’appétit, bien plus vorace et insatiable que la faim primaire de se nourrir. Elle posa un instant son regard lubrique sur Garçon, qui s’habillait seulement. Puis avec un grand sourire revint poser ses prunelles vertes émeraude sur sa future élève…

« Et, je vous emmène maintenant que ton choix est fait. »

Puis elle les guida dans le jardin jusqu'à son vaisseau, les fit monter et partit au bastion.

[bastion du néant]

"Enchantée Suzanna... Suzie ! "

Générale... Thamy était impressionnée mais elle n'en laissa rien paraitre. C'était un général du Néant qui était venue la chercher spécialement ! Evidemment elle ignorait que c'était le cas pour quasiment toutes les nouvelles recrues ; cela aurait fait baisser son égo.

Ainsi donc, ils partaient... Ils quittaient ce lieu qui l'avait vu naitre et grandir mais aucune mélancolie ne vint. Thamy avait des souvenirs ici, c'était évident mais que sont réellement les souvenirs ? Des instants fugaces ? Des parenthèses éphémères qui s'envolent sitôt que de nouvelles viennent prendre leur place ? Non, cela n'émouvait absolument pas la jeune fille de quitter sa demeure.
Elle était de toute manière persuadée que celle-ci restera en état et serait toujours sienne. Elle n'était pas bête, un autre maire viendrait l'habiter pour remplacer le poste vacant mais ce serait toujours chez elle. Elle en était devenue la maîtresse.

Les pièces qu'elle avait traversées un nombre incalculable de fois défilaient, portes closes, de chaque côté du long couloir. Ils prirent l'escalier. Elle laissa glisser sa main sur la rampe, un sourire aux lèvres. Cela restait à elle ! De sa main libre, elle attrapa celle de Garçon qui tourna la tête vers elle.
"On s'en va !"
Elle ne put retenir de rire comme si ce qu'elle venait de dire était d'une hilarité déconcertante. En réalité, c'était qu'elle était extrêmement excitée, comme une enfant à qui on propose de découvrir un nouveau jouet...

Suzie les conduisit au jardin, à l'arrière de la demeure, loin des regards indiscrets.
Un véhicule pour le moins étrange les y attendait. Les yeux des deux jeunes gens s'écarquillèrent devant la "chose" mais suivirent sans poser de questions la succube quand celle-ci y pénêtra.

[Bastion du Néant]
[Plate-forme d'atterrisage] (je suppose)

[Hangar]

Si Ilok avait sommolé durant tout le trajet et si Thamy s'était simplement laissée à révasser, Garçon était allé s'asseoir près du tableau de bord et observait à la fois l'extérieur et les commandes qui fonctionnaient toutes seules devant lui.
Le jeune homme avait senti que l'autre le surveillait pendant que la jolie blonde se changeait et il fut bien content lorsqu'elle revint car l'attention du néphilim se reporta alors sur elle et surtout sur sa peau lisse qu'elle laissa voir sans pudeur.

Revenir à la demeure familiale, retraverser ses couloirs et ses salles somptueusement décorés... Une idée qui ne lui amena aucun regret. Cette grande maison n'avait qu'un endroit pour dormir et grandir pour le jeune homme. Qu'un lieu parmi les autres même si le luxe qui y régnait l'avait fait aimer l'endroit plus que n'importe quel autre. En même temps c'était facile comparer aux trottoirs froids et grouillants de bestioles d'une partie de la ville qu'on préfère ignorer.
Alors que Rubios s'approchait, il se remit à penser au regard méprisant que leur invité lui avait jeté. Il prouverait un jour qu'il était plus qu'un gentil garçon ! Les paroles de la succube dans la salle de bain lui revinrent en tête et les sensations qu'elles avaient provoqué en son coeur de vagabond délaissé revirent également surface. Voilà pourquoi lui était au Bastion aujourd'hui ! Voilà quelle devait-être sa mission !

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Le vaisseau aux couleurs vivaces se posa soulevant un nuage de poussière et déracinant les herbes qui se trouvaient à proximité. Déjà des gens se pressaient pour voir de quoi il s'agissait, méfiants.

La porte s'ouvrit doucement comme pour ménager un certain suspence. Thamy se tenait juste derrière ravie du spectacle qu'elle allait offrir à ces misérables. Elle souriait charmeuse comme à son habitude et alors que les curieux commençaient à la discerner, certains reculèrent et les autres s'en allèrent simplement. La sorcière était de retour.
Ils avaient découvert le cimetière à ciel ouvert où avaient été négligemment posés les corps de ses victimes. Les trois témoins au massacre qui avaient aidé la criminelle à se débarasser des traces avaient été arrêtés et pendus. Leur corps allait ainsi pourrir suspendus à une poutre pour que personne ici n'oublie l'horreur commis par la fille Gorn.

" On n'est pas content de me revoir... ? Comme c'est facheux... moi qui me faisait une joie... "

D'un saut de chat maîtrisé, la demoiselle se retrouva en bas de la passerelle du vaisseau. Ses yeux sombres embrassaient la vue de ces personnes effrayées avec un plaisir non dissimulé. Ici elle restait la maîtresse crainte.

Cette petite sieste avait rendu sa superbe à l’odieux imposteur. Assis sur le divan, il étira ses bras au-dessus de lui, manquant de faire tomber ses lunettes de soleil toujours posées sur son front. Il rabaissa celles-ci pour les replacer devant ses yeux brillants et cacher les cernes que ce repos n’avait pu faire disparaître. Le néphilim se leva et fut surpris de ne trouver personne à l’intérieur. Néanmoins, des voix provenant de la salle adjacente et les cris de l’extérieur lui firent comprendre que la princesse aux cheveux d’or et son animal de compagnie ne l’avaient pas abandonné. Avait-il le temps de s’accorder un brin de toilette ou bien il ne restait que quelques secondes avant le bain de sang que Thamy lui avait promis. N’ayant aucune envie de rater un si rare spectacle, il se décida finalement à rejoindre la charmante adepte du néant.

Debout devant une foule terrorisée, elle parlait à voix haute, avec une confiance en elle qui surprit même le dieu déchu. On voyait bien qu’ici elle était sur son territoire. Loki la détailla des yeux, cherchant le moindre détail qui pouvait trahir la moindre faille, la moindre peur. Mais il ne put rien déceler de tout cela. Elle dominait toutes ces âmes serviles et misérables. Une véritable guerrière du Bastion, à la fois belle et bête. Tout ce qu’aimait le maître du chaos.

L’air de rien, il sonda la multitude de personnes présentes pour y repérer un quelconque potentiel. A son grand regret, aucun d’eux ne serait capable de lutter ne serait-ce qu’un peu. Le carnage allait emporter tous ces minables dans l’autre monde. Pas de pitié pour les faibles, c’était le credo de leur organisation.



« - Tu ouvres les hostilités ? » demanda-t-il à la blonde chatoyante.

Comme quoi, on pouvait être à la fois un meurtrier sanguinaire et en même un gentleman. Adossé à la coque charnue du vaisseau, il jeta un regard dédaigneux à l’assemblée. Il ne s’avait pas encore comme il allait bien pouvoir s’y prendre pour se débarrasser de tout ce petit monde. Il pouvait seulement laisser l’un de ses gÿks combattre, ou bien s’interdire toute forme de magie. Que s’était compliqué d’être invincible !

"Mademoiselle Thamara... " bafouilla un homme d'assez petite taille dont les yeux gris brillaient de peur.

Gagner un peu de temps... Voilà ce que le malheureux voulait faire. Thamy bailla lui faisant comprendre qu'il ne l'intéressait pas du tout. Une main derrière son dos, elle venait de faire apparaitre un poignard au manche d'argent et faisant comme si elle le sortait d'une invisible ceinture elle le tendit en le tenant par la lame à Garçon qui se trouvait un peu derrière elle. Celui-ci s'en saisit et partit en courant vers une maison où il espérait trouver l'homme qu'il voulait plus qu'un autre exterminer.

" Mon bon ami... " commença la jeune femme en se mouvant lentement vers l'homme qui lui avait parlé. Celui-ci ne la quittait pas du regard et alors qu'un de ses compagnons le tirait par la manche pour le faire bouger et déguerpir, il se trouvait incapable du moindre geste. Gagner du temps, il devait gagner du temps. Son visage bouffi était pâle comme la mort qui viendrait rapidement le prendre en son sein et des gouttes de sueur perlaient sur son front pour se perdre dans ses yeux lui brouillant encore plus la vue.

Elle était déjà contre lui et d'une main lui attrapa l'oreille au creux duquel elle ajouta un doux "Perdu" au goût d'une victoire acquise d'avance. Il tressaillit et la chair de poule qui couvrait son corps paralysé avait l'odeur de la peur. Ils savaient tous de quoi cette belle folle était capable encore qu'ils ignoraient comment elle avait pu tuer autant de monde sans qu'aucun ne se défende au moins un peu. Lorsqu'il sentit le froid du métal contre son oreille, il eut juste le temps de prendre une dernière inspiration que sa gorge se retrouva plaie béante suintant de sang. Il tomba à genoux fixant la fière demoiselle au dessus de lui qui souriait à ceux qui se trouvaient derrière lui. Dans sa douce main de poupée, un couteau de boucher tout ce qu'il y avait de plus classique avec sa large lame parfaitement effilée. Sur son décoletté, une trainée écarlate et encore chaude. Hormis cela, elle était simplement éblouissante de tranquillité. Ceux qui n'avaient pas encore fui comme s'ils avaient besoin de voir de leurs propres yeux la cruauté de l'ange prirent leurs jambes à leur cou pour s'éloigner du courroux de la sorcière aux boucles blondes.


Est-ce que le temps avait été nécessaire pour que certains d'entre eux se mettent en place ? Si elle revenait, chose acquise désormais mais hypothétique encore une heure plus tôt, ils ne voulaient pas la laisser repartir vivante.

Tendu à l'extrème, le fil de l'arc retenait prisonnier une flèche droite dont les deux plumes à l'extremité lui permettraient de filer droit vers sa cible. Le coeur de l'archer battait plus rapidement que la normale comme celui de tous ces concitoyens cependant lorsqu'il l'entendit, le muet sut qu'il se passait quelque chose d'autre. Une odeur de sueur, de concentration entourait l'homme qui visait Thamy depuis la petite fenêtre d'une maison à une centaine de mètres de sa victime.
Celle-ci trop occupée à jouer avec son arbalète sur les cibles mouvantes qui lui tournaient le dos ne sentit pas un instant le danger. La main placée au dessus du chargeur de flèches, elle les faisait apparaitre les unes après les autres pour recharger son petit jouet finement sculpté alors qu'il lui suffisait d'appuyer de l'autre main sur le déclencheur pour qu'elles aillent se planter droites dans les fuyards.

L'archer savait qu'elle souriait, qu'elle était ensorcellante avec ce sourire et il dut secouer la tête pour chasser de son esprit le doux visage de celle qu'il devait tuer. Cette seconde d'inattention lui coûta la vie.
Une ombre à côté de lui, un éclair dans la lumière du soleil et son sang gicla alors que sa main fut tranchée nette. Il hurla en se saissisant de son moignon et lorsqu'il reconnut le visage enfantin et impassible du vagabond, il chercha désespèrement à repousser son agresseur. La lame pénêtra doucement dans ses chairs arrêtant son mouvement et vint se loger dans son poumon gauche où les dégats qu'elle occasionna le firent agoniser pendant encore de longues minutes après que Garçon fut parti.

Thamy s'amusait plus à voir les gens tenter de fuir leur funeste destin qu'à les éliminer un par un. Sa réserve de carreaux d'arbalète arrivait à sa fin mais elle eut l'idée de se resservir de ceux qui se trouvaient désormais plantés dans le dos de ses victimes. Ainsi elle avait des munitions illimitées à sa disposition.

Un sursaut dans sa poîtrine et un instant d'inattention lorsqu'apparut ce serpent gigantesque dont les écailles reflétaient l'ardente lumière du soleil. Comme cela ne pouvait être l'oeuvre de Garçon, elle savait qui avait fait surgir de nulle part cet être fantastique. Le léger soupçon qu'elle avait eu sur l'identité de son coéquipier lorsque celui-ci usa de son pouvoir de morphisme se concrétisa avec l'utilisation de Jörmungand. Alors qu'elle prenait le temps d'admirer la bête en souriant face à tant de puissance, trois hommes remarquèrent son inattention et cherchèrent à se jeter sur elle. La course du premier d'entre eux fut brutalement interrompu par le carreau qu'il reçut en pleine gorge et qui le fit cracher une superbe gerbe de sang. L'inattention de la demoiselle n'était qu'une apparence. Encore une fois. C'était nettement plus marrant si elle prenait des risques !
Les deux assaillants laissèrent leur ami s'effondrer sans lui accorder un regard. Dans leur poing serré, des couteaux, de simples couteaux de cuisine servant à découper la viande. Sur leur front, des gouttes de sueur et d'inquiétude. Dans leur coeur, une adrénaline qui allait bientôt leur faire défaut. Elle les laissa venir se tenant toujours de profil par rapport à eux, l'albalète baissée le long de son corps. Quand elle tourna la tête posant ses yeux noirs sans espoir sur eux, l'un manqua trébucher. Il déglutit difficilement mais continua d'avancer sur elle. La belle sourit alors que le plus vaillant la frôla de son arme. Elle avait esquivé sans aucun problème. Ils n'étaient pas des combattants et c'était la peur qui guidait le moindre de leurs gestes. Sa chevelure blonde caressa le visage du villageois alors qu'elle tourna autour de lui. Il n'eut que le temps de se retourner pour voir son camarade lui foncer dessus et lui planter son arme misérable entre les côtes. Thamy se tenait deux pas à côté et se retenait de rire. Avec l'agilité d'un chat, elle avait bougé au dernier instant laissant croire à son adversaire qu'il avait une chance de la toucher. L'arbalète dans sa main avait disparu et se tenait à la place deux fines épées aiguisées qu'elle utilisa tournant sur elle même comme une harmonieuse danseuse pour trancher le cou des deux intrépides.

C'était alors que du ciel tombèrent des gouttes de sang et de morceaux de chairs. Le serpent avait fait son oeuvre et les malheureux avaient péri.
La demoiselle au visage de poupée leva les yeux et reçut en souriant quelques gouttes du liquide carmin. Elle en essuya une du doigt qu'elle porta à ses lèvres. Quel goût délicieux !! Une petite traînée rouge sur le bord de sa lèvre inférieure et la belle repartit à la chasse.

La jeune fille semblait terriblement s’amuser à écraser tous les misérables insectes qui avaient la malchance de se trouver devant elle. Un à un, ils tombaient sur le sol, inertes, incapable de se relever. On voyait bien qu’elle avait une certaine aisance dans le maniement des lames, sûrement dû à de longues séances d’escrime. Elle lui plaisait de plus en plus. Dommage qu’ils devaient si vite se séparer. En effet, en libérant un peu trop de son énergie, Loki n’allait pas tarder à être repérer par les séraphins. Il généra une puissante vague d’énergie pour anéantir les dernières âmes qui lui opposaient une vaine résistance.



« -Thamy, tu devrais partir avec ton protégé. Prends le vaisseau et rentre au Bastion immédiatement. Amène ce gosse avec toi, et occupe toi de lui jusqu’à que je revienne, s’il te plait.» dit-il en désignant le petit rouquin qui continuait à couiner.

Il avait dit ça sur un ton qui ressemblait davantage à un conseil qu’à un ordre. Il n’avait aucune envie de perdre l’un de ses précieux combattants. Quoiqu’on puisse jamais raconter sur lui, il avait toujours à la différence des séraphins respecter le genre humain. Ils avaient des défauts et c’est ce qui faisait leur charme. Il étaient si imparfaits, et pourtant le dieu ne pouvait s’empêcher de les jalouser. Jörmugand balaya le reste du village en moins de temps qu’il ne fallait pour leur dire, faisant s’effondre tous les bâtiments qui gênaient son passage.

Un nuage de poussière recouvrit la zone et ils en profitèrent pour faire leur apparition. Les cinq séraphins venaient de faire leur entrée discrète dans le petit village. Orion, Némésis, Morgane, Eros et Eris se tenaient debout, entourant le pauvre néphilim et son gigantesque reptile écailleux. Leur dernier face à face datait de plusieurs mois et c’est pourquoi les retrouvailles furent aussi explosives. Sans crier garde, Cupidon décocha deux flèches argentées en visant le monstre verdâtre. A peine, touchèrent-elles leur cible que l’hideuse créature s’évanouit dans les airs. Loki applaudit la performance de son adversaire en souriant. Impossible de savoir qui il regardait à cause des lunettes noires posées sur son nez.

« - Mais regardez qui voilà … Ne serait-ce pas nos chers petits amis défenseurs de la justice ? »

Tous les séraphins avaient tous l’air impatient de s’attaquer au leader du néant et peut-être annihiler à jamais la menace qu’il représentait. A nouveau, le fier archer brandit son arme et visa cette fois son terrible rival. Le projectile fendit l’air et sembla se planter dans quelque chose. Au premier abord, cela ressemblait à un énorme roc, mais en y regardant de plus près, on pouvait aisément reconnaître la bas d’une hanche. Kronos le titan, venait de se placer devant son maître, accompagné de Hel, Ezias et la séduisante Suzy.



« - Notre seigneur et Thamara n’ont rien, je suis rassurée. »

La succube s’éclipsa pour aller rejoindre sa disciple, restée en retrait. Elle avait saisit par le bras le gamin qui intéressait tant Loki et l’avait relâché aux pieds de l’adepte du néant. Au moins, il ne risquait pas de s’enfuir maintenant que la princesse d’ébène l’avait à l’œil. Après un dernier clin d’œil à l’adolescente, la fausse blonde retourna vers le lieu d’affrontement en se plaçant tout près de son maître. L’atmosphère était maintenant électrique, et on n’attendait plus que le son d’une cloche pour annoncer le début des festivités. De son côté, le serpent d’Eden observait le ciel l’air serein, comme si pour lui il n’avait s’agit que d’une banale formalité.



« - Morgane, tu t’occupes de Kronos. Eros, tu prends la démone et Eris, tu te charges gars aux cheveux d’argent. Méfie-toi, il est du niveau d’un séraphin. Némésis, tu prends Hel et moi, j’ai un compte à régler avec mon fils adoré. »

Un vent puissant souffla et balaya les dernières traînées de poussière qui flottaient dans l’air. Il fut pour les combattants comme un signal qui signifiait que l’affrontement pouvait enfin démarrer. Le garçon assis près de Thamy semblait figé en observant la scène. Bien sûr, trop jeune pour apprécier le niveau de chacun des guerriers, il était persuadé que le plus fort d’entre eux était sans conteste le géant armé de la masse, Kronos. Mais, il avait vu de ses propres yeux l’énergie incroyable dégagée par le type aux lunettes ainsi que la facilité du blondinet pour terrasser l’imposant Gÿk qui avait détruit à lui seul tout son village.



« - Qui va gagner ? »

Il resta silencieux, et se contenta de réciter à voix basse des prières pour que les dieux fassent triompher ceux qui servaient la justice. Il espérait de tout cœur que le meurtre de son père ne demeure pas impuni, que l’odieux assassin subisse le châtiment qu’il méritait.

Alors que Thamy écrasait comme des insectes tous ceux qu'elle croisait et avant que le Maître du Bastion ne se retrouve confronté à son ennemi juré, un jeune homme avançait d'un pas pressé à travers les rues de la ville qu'il connaissait par coeur. Il ne se préoccupait qu'à peine de ceux qui couraient à ses côtés, jeta à peine un coup d'oeil à l'apparition du serpent gigantesque fixé sur son objectif comme un missile verrouillé sur sa cible.
Les gens le regardaient avec frayeur, lui dont la présence ne semblait jamais avoir préoccupé personne. L'épée qu'il tenait fermement en main portait de longues traînées sanglantes témoins des personnes qu'il avait éliminé en chemin. Il ne s'en était pour le moment pris qu'à ceux qu'il voyait armés et prêts à s'en prendre à sa chère maîtresse. Le muet avait le regard froid et dur, aucune émotion ne semblait paraitre sur son visage d'adolescent. Les femmes qui n'avaient pas encore trouvé refuge entre les murs de leur maison se pressèrent de le faire en le voyant passer avec cette allure d'homme menaçant que jamais elles n'avaient vu. "Jamais" n'est-il pas un mot comme un autre ? Une notion floue qui peut changer en un claquement de doigt ?


L'homme aux yeux verts était planqué comme un petit enfant dans une large armoire de sa demeure. Il tremblait depuis qu'il avait su qu'elle était revenue. Il savait qu'elle ne le laisserait pas en paix... Ainsi caché, il espérait qu'elle ne le remarquerait pas. C'était sans compter que c'était un ancien vagabond aux sens développés qui le cherchait et non la blonde demoiselle au coeur noir.

Il sursauta manquant de s'uriner dessus lorsque la porte s'ouvrit grande laissant juste une silhouette se dessiner devant ses yeux habitués à la pénombre. Lorsqu'il se réhabitua à la lumière du jour, il se tapit un peu plus au fond de son trou sombre. C'était le muet... mais pas celui qu'il connaissait... Il avait un regard de... fou... aussi plein d'envie de souffrance que celui de Thamara Gorn au moment où elle avait tué tous les autres... Il déglutit et hoqueta en s'étouffant avec sa salive quand il vit l'arme. Il ne put se détacher de la vue du sang qui commençait juste à sécher sur la lame. Le lâche voyait sa chance lui échapper. Lui qui avait échappé au premier massacre de la nouvelle adepte du néant n'avait pas une seconde chance de s'en sortir...

Une poigne ferme l'attrapa par le col et le détacha du bois réconfortant de l'armoire. Il se retrouva à embrasser le parquet ciré de sa chambre, personnage pitoyable et terrifié.
Par la fenêtre, il vit un monstre aux écailles couvertes de sang et entendit enfin les cris d'horreur des autres habitants. Il plaqua ses mains sur ses oreilles comme s'il voulait fuir à tout prix cet enfer et qu'ainsi il avait un espoir d'y parvenir. Un coup de pied dans l'estomac le fit se retourner et le vert lagon de son regard d'aristocrate peureux croisa un marron sombre et décidé. Ses lèvres voulurent articuler un "pitié" mais il se retint de dire ce mot... Ca n'aurait servi à rien... Les larmes coulèrent sur ses joues ayant perdu toute leur pigmentation face à la peur qui s'était insinuée dans les moindres recoins de son corps. Il espéra que ce fut rapide...
Malheureusement pour lui ce n'était pas dans les projets macabres du sage et silencieux Garçon... Celui-ci n'avait rien à faire que dehors tout s'écroule tant qu'à son tour il pouvait goûter à la jouissance d'arracher une vie au monde.


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(pas fini)

Il n'y avait plus autour d'elle que des corps sans vie dans des flaques de sang. Une partie de son jeu était terminé. Thamara vit revenir vers elle l'étrange jeune homme aux lunettes de soleil accompagné d'un microbe aux cheveux roux. Garçon était encore absent mais il ne tarderait pas à moins qu'il chercha lui aussi à s'amuser.

Elle ouvrit la bouche pour répliquer qu'elle n'avait pas fini et qu'elle n'avait pas la tête d'une nounou docile mais l'arrivée inopportune d'un groupe de "gentils" (ça puait la gentillesse à plein nez d'après la belle demoiselle) la coupa dans son élan et la laissa même coite pendant quelques minutes. Puis comme pour contrebalancer les forces en présence des secours vinrent prêter main forte à Loki. Parmi eux, la succube Suzy qui lui apporta comme un paquet cadeau piègé le gamin pour qu'elle le garde. Les duelistes se mirent en place et l'air était chargé de cette électricité qui précédait toutes les grandes batailles. Miss Gorn serait bien restée à contempler les oeuvres en puissance sous ses grands yeux noirs ébahis mais dans un coin de son esprit, elle se souvint qu'elle était venue pour quelque chose et qu'elle ne partirait pas sans.

" Viens là toi !"

Elle souleva par le bras et sans ménagement le morveux qui venait de perdre son père et peut-être d'autres membres de sa famille. Pourtant sa voix était étrangement calme et qu'à peine agressive. Elle se pencha sur lui et remarqua les traces de larmes qui courraient sur ses joues pour se perdre en de petites taches humides sur son haut taché de sang. La belle soupira. Un mioche, un morveux, un gamin sans intérêt... Quelle plaie !

" Ecoute-moi bien ! Tu vas te tenir bien tranquille et me suivre comme un petit chien son os. J'en ai peut-être pas l'air mais je suis bien loin d'être un ange et j'ai en horreur les gamins qui chouinent. Si tu commences à pleurer, je te donnerais une bonne raison de le faire et tu ressembleras encore plus à un cochon qu'on égorge. Tu as bien compris ?"
Elle disait tout cela avec un sourire ravi sur son visage de poupée blanche. Pour une personne extérieure, si le gamin n'avait pas les traits crispés, elle lui disait des choses d'une banalité affligeante.

Elle se redressa et sourit à la perspective de ces combats grandioses qui se préparaient. Dieu qu'elle voulait vite profiter du spectacle ! Elle tapota la tête du petit et tourna les talons entrainant dans sa suite le gamin qu'on lui avait confié sans lui demander son avis. Intéressant aux yeux noirs de ce morphiste si fort mais intéressant ou pas, elle le saignerait s'il l'emmerdait plus qu'elle ne pourrait en supporter. Si au moins, il avait été un peu plus agé... De cet âge où on commence à découvrir l'autre sexe avec pudeur et fureur mélangés... Mais non... même pas ! La belle de Vedog se trainait un boulet larmoyant et même pas prépubère.

Son ancienne demeure était la plus majestueuse mais parce qu'elle était ce qu'elle était pour elle, les habitants de la ville s'y étaient invités sans vergogne. Le portail qui avait pris de sacrés coups durant la marée humaine qui voulait réclamé justice était grand ouvert. La demoiselle au coeur noir caressa les aspérités du bois et les cadrages de fer martelés sans quitter des yeux le spectacle devant elle. La cour était toujours propre et vide mais tout ce que Thamy voyait c'étaient la porte ouverte et fracturée, les vitres du rez-de-chaussée explosées à coup de pierres... Elle n'osait pas imaginer l'état de l'intérieur. Elle sentit la colère gronder en elle et l'envie de massacre reprendre le dessus sur son coeur repus. Les battements de celui-ci s'accélérèrent et le rouge de la fureur gagna ses joues blanches. Ses yeux noirs lançaient des éclairs qui ne transperçaient que des fantômes.

D'un poing rageur, elle poussa la cloison brisée et se prépara à hurler devant l'horreur qui ne pouvait que se présenter devant ses yeux. Ce fut un hoquet de surprise qui la prit et qui élargit ensuite ses lèvres rosies en un sourire. Ils n'avaient pas osé, ils n'avaient pas pu entrer plus dedans que le simple mattracage d'une porte. Comme s'ils avaient senti sur leur nuque l'ange noire qui veillait sur ses biens. Pathétiques humains peureux ! La colère l'avait quittée, elle se retrouvait juste déçue et désespérée par ces misérables incapables d'aller au bout de leur désir de vengeance et de justice.

" Tu vois gamin... On doit toujours finir ce qu'on souhaite faire. Toujours. "

Et ce qu'elle souhaitait, c'était récupérer ses affaires, les mettre à l'abri dans la soute immense du vaisseau spatial et regarder les flammes avaler son passé.
Thamy passa de pièce en pièce, gardant un oeil sur le morveux qu'on lui avait collé aux basques, et envoya d'un geste tout ce qu'elle souhaitait garder. Elle se fit raisonnable ce qui n'était pas dans son habitude. Quand elle monta à l'étage, elle se dirigea d'abord vers sa réserve d'armes blanches et là, elle ne fit aucun choix emportant le tout avec elle. Doux pouvoir que celui de faire apparaitre et disparaitre où elle le souhaitait tout ce qu'elle possédait ! Que de rapidité gagné ! Puis elle passa dans sa chambre, envoyant sa penderie entière sur le vaisseau, dédaigna son si confortable lit se contentant que quelques coussins moelleux. Elle fit ainsi le tri et lorsqu'elle eut passé toutes les pièces de la demeure familiale, elle alluma un feu dans la grande cheminée du salon principal. Elle attrapa un tisonnier et saisit une grosse branche enflammée. Sans se presser outre mesure, elle retourna à l'étage et déposa la buche flayboyante sur les draps de soie de son lit de jeune fille riche. Elle se mordit la lèvre lorsque les étincelles prirent possession du bois de noyer de ce meuble où elle aimait passer du temps. Elle serait bien restée regarder les flammes dansantes mais d'autres pièces l'attendaient. Elle oubliait tout le reste, oubliait que des géants, des anges et des dieux se battaient quelque part au dehors. Elle ne voyait plus que la danse funeste de ce ballet rougoyant qui prenait le pas sur toutes les choses de cette pathétique vie qui était la sienne avant d'intégrer le Bastion. Une lueur de folie brillait dans ses yeux et le sourire d'une joie étrange et intime illuminait un visage radieux. Elle chantonnait même buche en main pour aller allumer un nouveau brasier ailleurs dans cette grande maison.

Elle était ruisselante de sueur lorsqu'elle quitta enfin le brûlant hall de la demeure de son père. Elle recula dans la cour sans quitter des yeux son oeuvre de démente. Ce qui ne pouvait être à elle ne pouvait être à personne. Quelques vitres explosèrent à l'étage se brisant sous l'étouffante chaleur et quelques flammes d'un rouge doré reversant vinrent lécher les blanches parois de l'édifice.

Thamy Gorn dut se défaire de son magnifique spectacle aux retentissants échos d'un combat.

" Ciao !" lança-t-elle au vent en se rapprochant du lourd portail pour retrouver la puissance à l'état brut qui se manisfestait tout près. Qui se battaient là ? Elle ne connaissait ni le nom des adversaires, ni même celui de tous ses alliés.
Un petit tilt lui fit se rappeler à elle la présence de l'enfant. Il la suivait encore mais pour être sur de ne pas le perdre (puisqu'apparence c'était ainsi que ça devait se passer pour lui), elle enserra son épaule de sa délicate main.

"Allons voir ce que puissance veut dire... "