Face au miroir

[Premier post]

La salle était vaste et vide, elle semblait ancienne, et il se dégageait de cet endroit une atmosphère presque sacrée, comme si personne n'y avait pénétré depuis des siècles, comme si ce lieu dormait, attendant qu'on le redécouvre. Tout respirait l'immobilité, le secret, l'inexplicable. Tout était en suspens. L'ensemble était peu éclairée, une lumière diffuse flottait dans l'air sans qu'on puisse en definir la source, c'était froid et étrangement bleuté, jetant des reflets argentés sur les murs nus, donnant l'impression d'être dans un aquarium étrange. Et ce silence. Comme le mutisme de quelqu'un qui aurait trop parlé. Comme si le temps avait apporté avec les années cette sagesse muette. Il n'y avait pas de tapis sur le sol, aucune peinture aux murs unis et lisses, aucun meuble, pas de fenêtre. Il n'y avait qu'une porte permettant d'entrer et de sortir de la pièce. Et il y avait le Miroir.

Ai-je le droit de réveiller ce qui dort? Ne suis-je pas entrain de déranger ce qui avait jusque là était prudemment préservé de tous les troubles? J'ai soudain l'impression de n'être qu'une erreur dans ce tableau, comme les rides qui brisent la tranquillité de l'eau. J'ai toujours cette impression coupable lorsque je rentre dans la salle du Miroir, inévitablement, et malgré mes efforts de volonté, cette sensation ne m'a jamais abandonné au cours de mes nombreuses visites. Après un long moment resté sur le seuil, contemplant cet ultime dépouillement qui confère ce caractère si unique à la pièce, je me décide enfin à refermer soigneusement la porte, derrière moi. Le battant se laisse faire sans le moindre soupir, sans un bruit sinon peut-être ce léger frottement contre la pierre du sol. Je suis seul au monde, chétif face à la majesté et à l'envergure de cette salle dénudée. Je me demande si je ne ferais pas mieux de faire demi tour. Mes sourcils, si fins, se froncent, vexés que je puisse imaginer un seul instant de renoncer. Inévitablement, le psyché m'attire, prenant les airs calmes d'un animal assoupi. L'incompréhensible envie de le voir s'éveiller. Le contact encore frémissant de mon âme embrasant la pièce d'un sourire compulsif. C'est si étonnant à chaque fois! Je tremble en contemplant mon avancée incertaine, mon audace. Même ma respiration me semble dérobée dans l'air frais. J'ai l'impression que cette glace absorbe tout: lumière, chaleur, air, ombre, peur et courage mêlés, joie, souffrance. Je compte mes pas, mais sans me souvenir du dernier, un peu pour me rassurer, un peu par reflexe. J'imagine la solitude que l'on doit ressentir à être ici, et je crois écouter les lamentations d'une bête blessée, que la douleur rend inapprochable. Calmer la souffrance, la solitude. Mes doigts vibrent pour cette seule idée. Ce miroir me semble si familier, tellement cher à mon coeur.

Nous voici face à face. Il n'y a qu'ici que j'ai l'impression de bien me voir. Mais je ne lance qu'un regard rapide à mon reflet. Mêmes oreilles de chat, même regard, mêmes cheveux, même allure. Comme à mon habitude, je contourne le seul objet de la salle, je tourne autour, je le dévisage, j'en examine l'envers avec curiosité, avidité même, espérant peut-être en découvrir les mécanismes. Me revoici à mon point de départ, et la surface claire oppose à mes yeux inquisiteurs leur image. Je peux enfin m'observer attentivement. Mes petites mains, comme deux colombes frêles, s'envolent vers mon visage pour en palper doucement la peau, étirant mes lèvres de leurs doigts, glissant sur l'arrête de mon nez, contraignant mes paupières à se fermer. Je suis toujours surpris de constater mon calme, comme si je me livrais à des expériences très sérieuses. Toute autre enfant de mon âge se serait amusé à faire des grimaces. Enfin je crois.

J'observais également la salle à travers le reflet; je voulais vérifier qu'elle soit bien la même. Au cours de mes précédentes inspections, je n'avais jamais été capable de l'affirmer. Et aujourd'hui ne dérogea pas à la régle. J'avais l'impression que quelque chose était différent, mais j'avais beau m'y crever les yeux, me retourner pour alterner l'observation de la vrai salle et de son duplicata, rien à faire: quelque chose était différent, et je ne savais pas quoi. Légèrement contrarié, je voyais mes traits d'enfant mécontent. J'entamais alors une nouvelle phase. Je m'asseyais en tailleur face à mon rival immobile. Mes mains se posaient naturellement sur mes cuisses, ma tête se penchait légèrement, comme pour mieux comprendre. Le sol était glacial, dur, très inconfortable. Mais contre fortune bon coeur. Mais je m'obstinais et refusais de me laisser dompter par la facilité.

Je savais à quoi ce miroir servait. C'était mieux qu'un cheval, mieux qu'un bateau, mieux qu'un vaisseau. C'était le transport le plus pratique, le plus rapide. Un voyage instantané. La téléportation. J'osais enfin effleurer sa surface du bout du doigt, timidement. La glace frémit, se rida comme si elle était faite d'eau. Le contact n'était pas tout à fait liquide, mais c'est la description sensorielle la plus proche que je trouve. Je ne savais pas comment on s'en servait. Il devait suffir de le traverser. Mais comment revenir ensuite? Si j'avais eu la solution, j'aurais peut-être tenté une traversée. Mais de toute manière, Loki me l'avait interdit. Il m'avait dit "Un jour... Peut-être.". Alors je restais là, immobile, imaginant sagement ce qu'il pouvait y avoir en dehors du bastion, de l'autre côté du miroir. Je ne connaissais presque que ça. J'avais des heures à moi, des récréations. Des moments où personne n'avait de temps pour moi, et où on me laissait donc errer à des occupations "de mon âge", convaincu que ça me faisait plaisir. Mais je m'ennuyais souvent, il n'y avait pas d'adepte de mon âge. Alors je venais ici, et je rêvais. Mes fesses commençaient à être endoloris. J'éternuais et me rendait soudain compte que j'avais froid. Grellotant, je me relevais, abandonnant le Miroir. Je traversais la pièce en imaginant un jour la quitter par le portail miroitant. J'ouvrais la porte tout en lâchant un second éternuement. Je n'aimais pas faire du bruit ici, aussi je m'empressais de sortir, débouchant sur le couloir, refermant méticuleusement la porte. C'est là que je le vis.

Un brouhaha terrible résonna dans tout l’étage inférieur du Bastion. Si on tendait bien l’oreille, on se serait aperçu qu’il s’agissait en réalité de bruits de pas. Ceux d’un dinosaure par exemple ou d’une autre créature massive dans le même genre. La chose qui approchait de Noa n’était pas banale, bien au contraire. Le monstre semblait se diriger vers la salle du Miroir, pour une raison encore obscure. Les murs continuèrent de trembler, et les lumières halogènes s’éteignaient puis se rallumaient de façon inquiétante.
C’est à ce moment que l’ombre géante se dessina sur le sol, glissant furtivement vers le Nekotrope, jusqu’à arriver à ses petits pieds. Le colosse se dressait de toute sa hauteur devant la minuscule silhouette du chaton. Sa crinière sombre tombait le long de son visage jusqu’au bas de ses épaules. Ses yeux blancs fixaient sans ciller la petit bout de chou et son air fragile. Cet être venu d’ailleurs semblait avoir vu jour dans l’essence même du mal et ce n’était pas un microbe qui allait l’attendrir.

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« - Le Maître t’a déjà ordonné cent fois de ne pas t’approcher de ce miroir. Si tu recommences, saches que ton père pourra dire adieu à la vie. Je me chargerais personnellement de veiller à ce qu’il rejoigne les abysses infernales ! » rugit le titan.

Le géant fit apparaître dans sa main une énorme masse qu’il brandit au dessus de lui, menaçant d’écraser l’enfant artificiel avec s’il continuait de n’en faire qu’à sa tête. Kronos n’avaient vraiment pas l’air de plaisanter avec le règlement, et mieux valait pour Noa qu’il ait une bonne excuse à formuler s’il ne voulait pas finir six pieds sous terre. Afin de bien montrer qu’il n’était pas d’humeur à rire, il frappa juste à côté du petit garçon sans trop forcer. L’énergie dégagée lors de l’impact faillit propulser le garçon-chat à plusieurs mètres au loin mais le serviteur de Loki le rattrapa par le col de son pull juste à temps.

Pourquoi se montrait-il aussi dur ? Autrefois, il était cruel, mais il possédait tout de même des émotions, il savait quand il était bon de se servir de la force, et aussi quand il ne le fallait pas. Aujourd’hui, tout était différent, il avait perdu son âme. Enfin, on la lui avait prise plus exactement. Quand Loki, par l’intermédiaire de Némésis l’avait libéré de sa prison sur Rubios, il en avait profité pour lui brider ses pouvoirs d’une part et l’asservir en prenant son Gÿk en « otage ». Désormais, il n’était plus qu’une marionnette aux ordres des deux Nephilims qui dirigeaient ensemble ce Bastion. Il avait reçu l’ordre de Hel en personne de donner une petite leçon au benjamin du Néant. Celui-ci avait maintenant plus d’importance aux yeux de la déesse que Yuki Tsubame, l’un des sept Gardien de la Lueur qui avant l’arrivée du Healer, était l’adepte préféré de celle-ci. Et elle n’avait aucune envie, que le pouvoir de faire revenir les âmes d’entre les morts s’en aille faire une petite promenade à l’Académie par exemple.

La montagne de muscles tenait toujours le corps frêle de Noa entre ses doigts et faisait preuve d’une grande dextérité pour ne pas l’écraser involontairement. Il savait bien que Loki viendrait lui demander de rendre des comptes et il retournerait très vite dans la crypte secrète du Désert Nécrosma, ce portail vers le Tartare où tous les dieux qui avaient embrassés le Néant étaient retenus prisonniers. Pour le moment, mieux valait donc suivre les ordres à la lettre. Mais de toute façon, il ne pouvait pas en décider autrement, c’était la volonté du Maître qui guidait ses pas. Le libre-arbitre était une notion qui n’avait plus de sens pour lui. Il ne pouvait même pas penser seulement, de se rebeller contre celui qui le manipulait. Il était devenue une arme dans les mains de Loki. Une arme excessivement puissante, certes, mais une arme sans âme ne demeure qu’un objet.

« - Pourquoi ces Deux là s'intéressent autant à une petite puce dans ton genre ? Tu n'es ni fort, ni résistant, ni intelligent apparemment ... Quel est donc ton secret Noa Rebirth ? »

Un bruit lourd résonnait de manière sinistre dans les couloirs et se propageait sans fin. Je voyais les murs frémir, puis trembler; et peu à peu, ils me communiquaient ce tremblement. Je commençais à imaginer qui pouvait produire autant de bruit, mais, dans la lumière agitée de soubre-sauts, je ne pensais pas à m'éeloigner. Je ne sais pas si c'est la curiosité ou la peur qui me poussèrent à rester là, mais je vis bientôt une ombre immense se profiler à mes pieds, et déjà, la carrure impressionnante se découpait à l'angle du couloir. Le colosse s'approchait, et en quelques pas, il fut au dessus de moi. Je voyais sa silhouette monstrueuse, son regard dur et implacable, ses muscles saillants. Je ne lui trouvais rien d'humain, et je me callais contre la porte, apeuré. Kronos m'avait toujours terrifié, il ne m'avait jamais aimé, toujours traité comme un moins que rien. Je crois qu'il n'aimait pas mon "père" non plus. J'évitais au maximum de le croiser. Pourtant, je savais bien qu'il ne me ferait rien, Loki ne le lui aurait pas permis. Mais tout de même, il aurait pu si facilement m'écraser...! Je n'étais qu'un moucheron face à lui, un moucheron a qui on aurait arraché les ailes. Il savait pertinament tout cela, et je crois que ça lui plaisait de meterroriser, il jouissait de l'empire qu'il avait sur moi.

Tant bien que mal, je me donnais du courage et relever la tête pour le regarder. Mais sa voix s'éleva, terrible grondement digne d'un coup de tonerre. Pour me protéger, je rentrais la tête entre mes épaules et regardais le bout de mes petites chaussures. Il était si méchant! Et ses menaces touchèrent leur but: j'imaginais mon père entre ses mains énormes, et des perles nacrées cachèrent un moment mes prunelles violines. Je tentais maladroitement de ne pas pleurer, refusant de me montrer faible. Le maitre du Néant me reprochait souvent ma trop grande sensiblerie. Mais apparemment, le géant n'en avait pas fini avec moi. Il abbatit a côté de moi une arme que je n'avais pas vu. Bien qu'habitant du bastion et membre du néant, je n'étais pas tellement habitué à la violence, je n'avais pas eu l'occasion de voir beaucoup de combats, sinon quelques entraînements. Mais la puissance dégagée par le coup de Kronos était formidable. Je me doutais pourtant qu'il n'avait pas du utiliser toute sa puissance, au contraire même, ce n'était qu'une sorte d'avertissement, un moyen pour me disuader. Et ça marchait extraordinairement bien!

Il me retenait par le col de mon haut. Ca me faisait mal au cou, j'avais l'impression d'étouffer. C'était comme si ce tas de muscles passait ses nerfs sur moi. J'étais faible, c'était facile. Tant bien que mal, je passais mes petits doigts entre le col et ma peau, pour me donner un peu d'espace. Le titan tonitrua encore. La bouche indubitablement fermée, mes petits sourcils froncés, j'étais l'image même de l'enfant vexé et qui, alors qu'il aurait voulu trouver de l'affection, se cognait à des injustices et des choses cruelles. Je savais bien que Kronos ne s'attendrirait pas. La question qu'il posait m'ecorchait. Je savais que je n'étais pas fort, et ce n'était pas faute de le vouloir pourtant. Chaque jour je regrettais de ne pas pouvoir m'entraîner comme les autres adeptes. Ma tête était pleine d'actes héroïques et de grandes batailles, de commandants courageux et fiers, d'ennemis farouches. Je savais que je n'aurais jamais ma place dans un tel tableau. Je n'étais pas résistant non plus, je passais beaucoup de temps à me reposer, ma santé était fragile, pour un rien je m'enrhumais, la moindre activité me laissait sans force. Ce n'était pas drôle et le guerrier semblait me le reprocher. Comme si je le faisais exprès! Je ne savais pas quoi lui répondre. J'aurais voulu le labourer de mes petits poings, ou bien trouver des mots assez tranchants pour me venger. Mais je ne trouvais rien.

Alors je me contentais de lui eternuer à la figure.

Les rugissements du titan emplissaient toute la pièce et semblaient faire osciller dangereusement les murs. Ce n’était qu’une impression peut-être mais cela n’en demeurait pas moins effrayant. Il donnait l’impression de pouvoir transpercer le petit chaton avec la seule force de son regard. Kronos semblait invincible dans cette position, et il paraissait presque évident qu’il avait été dans un lointain passé un dieu terrible et sanguinaire. Même Noa avait l’air de l’avoir remarqué à la tête qu’il faisait, et rien que l’idée de se révolter lui devenait complètement absurde. Rien n’aurait pu ébranler une telle force de la nature. Si Loki avait réussi à en faire un chien servile c’était uniquement grâce à la ruse et non à la force.

Alors que des images de son passé lui revenaient par bribes, le nékotrope éternua sur le visage du colosse. Celui-ci mit quelques secondes avant de s’apercevoir du méfait de ce gamin dégoûtant. Avait-il fait exprès ou bien n’était-ce qu’un simple malentendu ? Le géant ne voulût même pas se poser la question. Retrouvant ses vieux instincts meurtriers, il brandit son poing menaçant de le laisser s’abattre sur le visage du garçon. Avec son bras, il essuya nonchalamment les gouttes humides de bave qui ne lui appartenaient pas.

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« -Meurs Noa Rebirth ! »

Sans se faire prier, Kronos empoigna fermement la masse qu’il avait laissé sur le sol et s’apprêta à frapper le pauvre gamin innocent qu’il tenait dans son autre main. Alors qu’il que l’arme n’était plus qu’à quelques centimètres du corps du gamin, un éclair rouge jaillit près de nulle part et emporta le protégé de Loki en même temps. Face à l’incompréhension, le géant regarda à gauche puis à droite cherchant l’endroit où le petiot avait bien pu atterrir. Il comprit vite l’origine de ce phénomène en voyant le petit garçon dans les bras d’une personne qu’il ne connaissait que trop bien. Elle avait de longs cheveux couleur rose sombre qui lui tombaient un peu sur le visage. Elle murmurait à l’enfant des mots tendres pour le rassurer avant de relever la tête et montrer son visage à Kronos.

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« - Je suis intervenue à temps. Tu n’imagines même pas la colère de mon père si tu avais fait du mal à ce gamin. Maintenant, vas-t-en, et ne t’en approches plus ! »

La créature se tenait bien de répliquer et se contenta d’obéir comme elle en avait pris l’habitude maintenant. Hel n’était pas dans ses meilleurs jours en ce moment. La cause la plus probable à ce changement d’humeur était sans conteste la défection des cinq cavaliers des ténèbres, mais certains racontaient que la liaison entre Yuki et Kojima lui mettait les nerfs à vifs. De toutes façons, la divinité déchue ne prêtait pas attention aux ragots donc peu lui importait de savoir les raisons de cette colère, il prit la direction de son antre.

« -C’est vrai que tu ferais une proie parfaite. Je suis d’accord avec Kronos sur ce point. Il faudrait que quelqu’un supervise ton entraînement. Il ne faudrait que des personnes mal intentionnées mettent la main sur toi n’est-ce pas ? »

Tremblotant comme une feuille, je réalisais à peine l'affront que je venais de faire involontairement au colosse. Je n'osais imaginer quel châtiment il allait me faire subir. Et puis soudain, je compris que j'allais mourir. D'ailleurs, l'ancien dieu me l'annonçait de sa voix rauque. Résigné, je rentrais tant bien que mal ma petite tête entre mes épaules, fermant les yeux, attendant le cou avec fatalité. Que pouvais-je faire face à cette créature? Je n'avais ni la force, ni les pouvoirs pour lui résister.

Un flash rouge. Un instant, je songeais que ce devait être mon sang qui couvrait ma vision de cette lueure sanguine. Mais je ne ressentais aucune douleur. Est-ce que la mort pouvait ne pas être douloureuse? Puis tout redevint normal, et c'est là que je découvris le visage de Hel penché au dessus du mien. Ses cheveux effleuraient mon visage, elle me couvait comme une mère. Enfin j'imagine que c'est ainsi que les mères s'occupent de leurs enfants. J'eus un sourire timide. Ses bras me protégeaient, je savais que Kronos ne pouvait plus m'atteindre. Pour l'instant. J'écoutais ses murmures, me berçant plus grâce à cette douce musique sussurante que par les mots qu'elle prononçait. Je me calmais lentement mais sûrement en regardant ses yeux entièrement rouges, qui m'inquiétaient autant qu'ils me fascinaient.

Elle s'adressa ensuite à mon bourreau, le réprimant sèchement. Je m'étais toujours demandé comment elle imposait le respect à des êtres dans son genre. C'est vrai, elle était plutôt fine, et sa silhouette en elle-même était moins inquiétante que celle d'un géant comme Kronos. Mais c'était son allure, cette espèce d'aura qui la suivait partout qui la rendait si... impressionante. Et puis, même si je ne l'avais vu que rarement à l'oeuvre, je me doutais qu'elle devait avoir des pouvoirs extraordinaires. Avec un soulagement non-dissimulé, je regardais la lourde silhouette s'éloigner. J'éternuais à nouveau bien malgré moi, comme une dernière provocation, un petit cri de victoire qui aurait voulu titiller les oreilles de Kronos.

Puis mon attention se reporta sur le visage de ma sauveuse. L'air sérieux, je buvais ses paroles en aquiesçant sagement de la tête. Quand elle parla de quelqu'un pour superviser mon entrainement, je me mis à prier pour que ça soit elle. Mes yeux timides eurent un regain d'interêt. Mais je me doutais bien que, avec la place qu'elle tenait au sein du néant, elle n'aurait pas le temps de s'occuper de moi. Tant pis! J'avais tellement envie de devenir plus fort, j'en avais marre qu'on me traite de moucheron, j'aurais voulu apprendre à me défendre tout seul, à être plus résistant. Alors peu importait qui serait mon maître, tant que ce n'était pas Kronos. Je voulais apprendre, je voulais que Loki et Hel aient une raison d'être fiers de moi.

J'adressais un sourire reconnaissant à ma bienfaitrice quand elle formula sa dernière question, lui prouvant toute ma bonne volonté et mon envie de devenir plus apte à servir notre cause. Une cause qui d'ailleurs sonnait assez vaguement à mes oreilles. Je ne savais pas bien de quoi il s'agissait, mais puisque c'était ce que voulait Loki, puisque c'était ce que voulait Hel, ça ne pouvait qu'être quelque chose de bien. Je ne savais pas exactement où se trouvait le drame si quelqu'un de mal intentionné mettait les mains sur moi, à part le fait que je risquais de passer un mauvais moment. Mais j'étais touché qu'on s'inquiète autant pour moi, qu'on me protège autant. Je savais que je n'étais qu'un individu artificiel, Loki me l'avait dit très tôt et en faite je crois que je l'avais toujours sut. Mais je ne regrettais pas de ne pas avoir de parents, ne connaissant la chaleur du cocon familiale, je ne pouvais pas l'envier. J'avais des gens pour prendre soin de moi, et j'en étais heureux.

Mes yeux se plissaient en une mimique adorable, froissant le petit pansement qui barrait mon arcade sourcilière.

"J'ai hâte de commencer l'entraînement!"

Hel remarque le petit toussotement faussement innocent de Noa et reconnût bien là la marque de fabrique du Néant. Il avait beau se cacher derrière ses airs de bébé fragile et inoffensif, il ne portait pas moins les prémices du mal dans son âme. Si on lui donnait une formation convenable, il deviendrait un atout décisif dans la bataille qui opposerait le Néant à l’Académie de Salaën. C’est vrai qu’à ce moment, blotti dans ses bras, il aurait pu attendrit une meute de loups affamés, mais sur Hel, cela n’avait pas un grand effet. C’est vrai qu’elle avait tendance à se trouver des favoris parmi les nouvelles recrues du Néant. Sa dernière en date avait été le jeune gardien de la lueur, Yuki Tsubame. Il aurait pu faire un guerrier très prometteur, mais il avait finalement succombé au charme d’un de son tuteur Kojima Taiki. Elle avait donc renoncé à lui enseigner quoique ce soit de plus, et avait même effacé de sa mémoire la technique de Fusion avec le Gÿk, par pure jalousie. Elle avait bien essayé de les séparer à de nombreuses reprises, mais elle devait admettre que lorsqu’ils combattaient ensemble, ils devenaient presque invincibles. Bien entendu, en tant que Nephilim, elle pouvait encore venir à bout d’eux deux, même ensemble.

La déesse des Enfers reposa le garçon sur le sol éclaté après le passage du titan. C’est vrai que le Bastion n’était pas adapté pour abriter une telle force de la nature dans l’enceinte. Il faudrait d’ailleurs qu’elle parle à Loki de ce léger problème. Elargir les couloirs dans un premier temps ainsi qu’élever les plafonds. Il fallait trouver un sort assez puissant qui réglerait enfin cette complication. Le petit Nékotrope était encore sous le choc de l’apparition de Kronos. Hel ne pouvait que le comprendre, la première fois qu’elle l’avait aperçu, elle avait eu une petite frayeur qui s’était déjà dissipée depuis un moment maintenant. Grâce à son père, le géant était un serviteur docile qui ne pouvait que leurs obéir.

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« - Au fait, sais-tu faire apparaître ton Gÿk ? Avant de savoir quel tuteur je vais te choisir, j’ai besoin de le savoir pour voir ton niveau. »

Comme sa moitié Pelasis, Hel possédait le don de lire dans les pensées et dans les cœurs. Elle pouvait ressentir la chaleur qui était née dans le cœur de l’enfant lorsqu’elle avait prononcé quelques paroles bienveillantes à son égard. Il serait plus facile de l’éduquer à la façon du Néant s’il se montrait toujours aussi sage. Elle en avait plus qu’assez de tous ces traîtres à commencer par les frères Exterminatus qui retournaient leur veste dès qu’ils croisaient une des fillettes de l’Académie. En les formant plus jeunes, le problème ne se posait plus.

La femme passa ses doigts dans les cheveux soyeux comme pour le rassurer. Si Kronos pouvait effrayer à cause de sa taille imposante, Hel faisait le même effet avec ses yeux rouges à vous glacer le sang. Son propre père Loki avait dû mal à s’y faire et préférait la plupart du temps détourner le regard. Elle n’y faisait pas vraiment attention, inspirer la terreur c’était l’un de ses passe-temps favoris donc cette apparence l’arrangeait en quelque sorte. Même s’il avait un peu peur, l’être artificiel essayait de le cacher de son mieux ce qui plaisait assez à la fille d’Apocalypse. Elle continua sa caresse en laissant parfois ses ongles acérés frôler le cuir chevelu, ce qui provoquerait inévitablement des frissons.

Je semble sérieux un instant, mes sourcils se froncent légèrement. J'essaie de rassembler tout ce que je sais à ce sujet. Je prend un air de bon élève, semblant avoir appris parfaitement ma leçon et, non sans une touche de fierté, je lance:

"Tonton Loki m'a tout expliqué sur les gÿks. Il m'a appris que c'était la manifestation de notre âme sous forme animale. Mais il m'a dit que j'étais trop petit pour apprendre vraiment comment faire apparaître le mien! Mais bon, je l'ai déjà fait apparaître. Une fois. Mais je sais pas exactement comment."

Mes yeux violets agrandis dans l'attente d'une sentence, je fixais Hel, frémissant sous ses caresses, à la fois douces et griffantes. Je la connaissais depuis que j'étais tout petit: elle ne me faisait pas peur, non, c'était plutôt qu'elle m'impressionnait. Oui, ses yeux, son allure, sa voix, tout cela était si particulier! Elle me fascinait. D'une certaine manière, je l'admirais; j'aurais fait n'importe quoi pour qu'elle soit fière de moi, qu'elle me porte toujours plus d'attention. Mes yeux se fermèrent un instant. Je me concentrais, essayant de visualiser avec un maximum de détail mon gÿk.
C'était deux papillons, l'un d'un blanc éclatant et lumineux, l'autre à l'inverse d'un noir profond et hypnotique. La seule fois où je les avais vu, une impression étrange mais terriblement puissante m'avait envahi. Je m'étais senti plus fort. Je ne leur avais pas donné de nom: par instinct j'avais su comment les appeler. Erase et Revival. C'était comme si quelqu'un m'avait soufflé que cela était leur nom, que l'on ne pouvait les appeler autrement. De la même manière, je savais qu'ils possédaient une sorte de pouvoir, qu'ils avaient une sorte de devoir de jugement. Qu'ils me guideraient. J'étais jeune, mais j'avais déjà compris qu'il représentait toute la dualité de ma tache: vivre ou mourir, oui ou non, le bien ou le mal. Effacer ou Renaître. C'était comme une connaissance inné; je ne pouvais pas l'expliquer, je le savais, c'est tout.
Un jour, le maître du Néant m'avait dit en riant que l'on avait parfois droit à une seconde chance. Il m'avait dit que j'étais là pour choisir qui avait ce droit et qui ne l'avait pas. Et je savais que mes deux papillons m'aideraient pour ce choix.
A nouveau j'ouvre les yeux et je fais corps avec la réalité. J'adresse un sourire à ma protectrice.

"Tu sais, ce sont deux papillons, ils sont vraiment beaux! J'aimerais bien te les montrer!

[Arg, mon dieu que c'est court -_- Shame on me!]

Hel comprit en voyant la mine de Noa qu’il ne saurait certainement pas les faire apparaître de sitôt. Il faudrait avec lui revoir toutes les bases de A à Z. Elle essaya de réfléchir à qui elle pouvait bien confier le petit Rebirth, mais ne trouvait vraiment pas. Toutes les personnes qu’elle estimait de confiance avaient déjà un élève à charge. Toru n’utilisait presque pas la magie et n’aurait rien à enseigner au petit chaton. Miki aurait pu être un bon tuteur s’il n’était pas si dépendant de la cigarette. Quel mauvais exemple pour un enfant de cet âge il ferait ! Il y avait également Orlando, mais s’il transmettait son humour désastreux au nékotrope, elle ne pourrait jamais se le pardonner. Elle avait appris que Buntaro allait devoir s’occuper d’un des frères Swann que Kojima devait recruter en ce moment même sur Rubios. Il y avait aussi Yoshi, mais l’idée ne lui vint même pas en tête. Elle ne trouvait pas ce personnage très fréquentable, surtout pour quelqu’un d’aussi important que ce petit garçon.

Puis, une illumination la fi sourire. Pourquoi ne le prendrait pas elle sous son aile. Il serait bien mieux avec elle qu’avec n’importe qui d’autre. De plus, en ce moment, elle n’avait pas grand chose à faire. A part quelques missions indignes de son rang, elle n’avait rien pu trouver d’amusant pour passer le temps. S’occuper d’un adepte aussi jeune serait un défi qu’elle se faisait une joie de pouvoir relever. Sans plus de réflexion, elle cessa sa caresse sans pour autant retirer sa main de la tête du petit. Elle prit la petite main du demi-chat dont l’extrémité des ongles étaient déjà plus ou moins pointues.

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« - On a négligé trop longtemps ton initiation, il est temps pour toi d’apprendre enfin l’art de la destruction. C’est un jeu très amusant, tu vas voir. Nous allons bien nous amuser ensemble. »

Depuis l’échec cuisant des cavaliers noirs, son père semblait avoir un peu laissé à l’abandon les rênes du bastion mais la déesse des enfers comptait bien remettre de l’ordre dans le chaos qui avait commencé à s’installé ici. Si Loki voulait rester enfermé dans sa chambre en charmante compagnie, c’était son problème, mais si cela devait impliquer les objectifs du Néant, elle était dans l’obligation de réagir. A commencer par prendre en main l’éducation de ce gamin.

"J'ai hâte! Dis, dis! On commence tout de suite, n'est-ce pas?"

Sans savoir contenir mon euphorie, j'agitais de secousses impatientes et hardies le bras de ma tutrice que je tenais de mes deux mains. J'étais tellement fier qu'elle me juge capable d'apprendre! Il y avait tellement de mots me semblant glorieux dans sa bouche! Initiation, art, destruction! Je ne contenais plus mes instincts, je ronronnais doucement, mes yeux se plissant, béat. Et puis, j'étais si content d'avoir enfin une activité qui promettait d'être captivante! Je voyais enfin apparaitre la fin de mon ennui perpétuel!
Mon agitation m'arracha un nouvel éternuement qui se transforma en un petit rire joyeux. Ca ne m'arrivait pas souvent, et je crois même que ce son si rare étonna Hel. J'avais envie de gambader dans le couloir et de crier à tous que j'allais commencer mon apprentissage et que j'allais devenir très fort. Avançant dans le bastion, je tirais ma sauveuse par la main, mais tout en veillant à ne pas l'agacer. Même mon impatience ne savait pas m'enlever le respect que j'avais pour elle.

J'émettais des rires légers; plus que tout, j'étais heureux d'être avec Hel; heureux qu'elle consacre du temps pour moi. Je ne savais pas tellement comment l'appeller, je ne pouvais ni dire "ma petite maman", ni "grande soeur" car je savais bien que ça ne plairait pas. Je cherchais comment lui montrer mon affection par un surnom aussi doux, mais je ne trouvais rien, alors je l'appelais juste Hel.
Nous arrivions à un croisement, et soudain j'entendis des éclats de rires dans le couloir perpendiculaire au notre. Curieux, je me penchais pour y regarder. C'était tellement étrange! Le bastion, d'habitude si silencieux, même un peu froid, il se mettait à résonner de voix enjouées et de sourires! Je me demandais si c'était moi qui avait propagé cette nouvelle atmosphère ou bien si c'était une coïncidence. En tout cas, je m'en réjouissais.

Alerté tout de même par cette situation peu habituelle, je m'étais placé devant la fille de Loki, comme si j'espérais la protéger. J'avais beau être l'une des plus jeunes recrues du Néant, je connaissais déjà le sens des mots fidèlité et sacrifice. Je regardais au delà de l'angle du couloir, et je restais hagard, sans comprendre. Là-bas, il y avait deux personnes qui discutaient, l'air amusé, l'une d'elle tenant à la main un costume bariolé et plutôt absurde. Interloqué, je me tournais vers Hel pour lui demander silencieusement si elle comprenait quelque chose à ça.

[Hj : pardon pour la longueur ^^"]

Hel saisit un peu trop fort les petits bras de Noa qui la secouaient. Elle n'était pas un pantin qui se laissait docilement faire ! Même pour un minois aussi craquant que celui du jeune garçon. Elle se laissa guider par l'enthousiaste enfant.
Au moins, on pouvait bien dire qu'il était pressé d'apprendre et de progresser.

Face au miroir Witchmanlog15sa51wx7

"Oui on va commencer... Tu vas partir en mission mon mignon petit chat. Tout seul ! "

Et la démone aux yeux rouges le conduisit jusqu'au bureau des inscriptions, faisant fi des adeptes joyeux qui se préparaient pour le bal. Quel drôle d'idée avait eu Loki !

[Bureau d'inscription aux missions ]