Souvenirs Souvenirs...

[Tour Méridionale - Chambre 318]

Arrivée à l'Académie depuis maintenant une heure, Nakigao avait déjà trouvé le « temps » de s'endormir. Mais il fallait avouer que la jeune fille n'ayant pas dormi dans un vrai lit depuis des mois trouvait un tel confort à ce dernier qu'elle avait été capable de s'endormir aussitôt. Il faut dire que les derniers mois avaient été bien durs pour la jeune fille. Qui n'aurait pas eu des mois difficiles dans sa situation ? Mais Naki' essayait d'y penser le moins possible, tout comme pour la raison qui l'avait poussé à être dans cette situation.

Après avoir fait son petit somme, Naki' s'était changée et avait décidé de sortir pour se rendre à l'écurie. Les chevaux, elle connaissait plus ou moins. Avec ses six frères, ils avaient été responsables d'une quizaine de chevaux. Et Naki' avait toujours aimé s'en occuper, mais étrangement c'était seule ou avec deux de ses frères qu'elle se sentait bien entourée de chevaux. S'approchant de l'écurie, Naki' y entra doucement. Elle entendait déjà les chevaux de l'extérieur. Elle passa dans toute l'allée, regardant certains chevaux dans leur box. Après être arrivée au bout, Naki' s'approcha du dernier cheval, il semblait plutôt nerveux, mais ça n'effrayait pas Nakigao, comparée à d'autres personnes qui n'auraient jamais osé s'approcher. C'était certainement parce qu'elle connaissait cet univers que Naki' n'avait pas peur. Elle s'approcha toujours doucement du cheval, ne faisant pas de mouvements brusques. Il ne fallait pas effrayé ou énervé l'animal. Le cheval semblait observé le moindre mouvement de la jeune fille, il semblait attendre, attendre de voir ce qu'elle ferait. Elle se souvenait d'une situation similaire qu'elle avait vécue, et en faisant peut-être la même chose que cette fois-là elle pourrait faire quelque chose.

C'était un alezan à la belle robe fauve. C'était un bel animal mais personne ne s'intéressait vraiment à lui. Il n'était pas docile et s'il acceptait la présence des hommes, il n'aimait pas qu'on le monte.
Pourquoi l'avaient-ils gardé si personne ne pouvait l'approcher ? L'écuyer en chef pensait sincèrement qu'un jour quelqu'un arriverait à gagner sa confiance et pourrait alors le monter sans craindre de tomber. Lui même s'y était essayé avec forces patience et attention mais le cheval qu'il avait appelé Fougue ne permettait pas qu'il grimpe sur son dos. Il acceptait la présence et les caresses de cet homme gentil mais guère plus.

Une jeune fille entra dans l'écurie. Il sentit son odeur et ressentit sa tristesse. Les animaux ont cet étrange pouvoir de sentir les émotions humaines, comme la peur, la tristesse ou la joie. C'était dans l'air et ils leur suffisaient de les capter. Ils ne pouvaient évidemment pas les comprendre mais cela les influençait inconsciemment.
Il l'entendit s'approcher, venir vers lui. Il ne la connaissait pas, ne reconnaissait pas son odeur et cela ne lui plaisait pas. Dans son box étroit, il trépignait, tapant des sabots sur le sol recouvert de pailles. Il avançait, reculait, cherchait à tourner mais nerveux, il n'arrivait pas à faire ce qu'il souhaitait. Il ne voulait pas qu'elle approche... Pourquoi d'ailleurs ?

Mais elle arriva à sa hauteur et il planta ses yeux noirs sur elle. Il la vit avec ses yeux de cheval, d'une façon que les hommes ignorent. Elle ne chercha pas à venir plus vers lui, restant de l'autre côté de la petite porte du box. Elle ne fit aucun geste vers lui, se contentant de le regarder.
Fougue se calma, il arrêta de bouger mais respirait toujours aussi bruyamment. Il n'était pas rassuré par cette nouvelle présence. Qu'allait donc faire la petite humaine ?

Nakigao était peut-être impressionnée par l'animal. Un très beau cheval, mais qui avait visiblement son petit caractère. Impressionnée certes, mais pas intimidée. Elle avait connu beaucoup de chevaux durant son enfance et son adolescence. Les sept enfants de la famille Makoto avaient connu bon nombre de chevaux qu'ils avaient élevés puis vendus pour certains. Naki' en avait de très bons souvenirs, magnifiques même. Mais qui s'occupait d'eux désormais ? Est-ce que ses frères continuaient ? Etaient-ils rentrés et guéri par ailleurs ?

Nakigao oublia un instant tous ses souvenirs pour se concentrer sur l'animal devant elle. Naki' ne pouvait contester sa beauté, ça lui était impossible. Mais pour le moment, ce qui lui importait c'était que le cheval devant elle semble un peu moins énervé. Etait-ce son vécu qui le rendait ainsi ? Naki' n'aurait su le dire. Avant toute chose, elle devait gagner le respect du cheval mais aussi lui montrer qu'elle le respectait elle aussi. Pour commencer, il fallait que le cheval tolère la présence de l'adolescente. Arrivée à un peu moins d'un mètre du box, elle s'arrêta regardant le cheval tout comme il la regardait. Attendant à cette distance, elle montrait au cheval qu'elle ne lui imposait pas sa présence s'il ne la souhaitait pas. Et même s'ils ne parlaient pas la même langue, ils pouvaient se comprendre. Ainsi Naki' dit avec un ton calme et rassurant, un seul mot, qui semblait déjà pas mal.

« Bonjour. »

Naki' voulait montrer à l'animal qu'elle le respectait, mais elle savait bien sûr que ça prendrait du temps avant qu'il l'accepte vraiment.

La petite humaine parla. Deux sons.
Evidemment leur sens était inconnu à l'animal mais il reconnut en ces deux sons qui formaient le mot "bonjour" ce que l'homme qui prenait soin de lui lui disait toujours en premier quand il venait le voir.
La tête de l'animal se pencha légèrement sur le côté, comme s'il réfléchissait. Le son de cette petite voix de femme ne lui paraissait pas emprunte de méchanceté. Il la trouvait même douce. Il resta sur ses gardes malgré tout. Une inconnue, cela restait une inconnue.

Mais il voulait bien la sentir. Il bougea un peu la tête mais moins brusquement que précédemment.





Sans faire le moindre bruit, l'elfe rentra à son tour dans l'écurie. Il vit de suite la jeune fille qui se tenait auprès de Fougue. Celle-ci ne l'avait pas entendu apparemment, ce qui n'était pas surprenant cependant. C'était un homme discret que le chef des écuyers de l'Académie.

Il ne chercha pas à se faire remarquer. Il se contenta de croiser les bras et d'attendre la suite des évènements, prêt à intervenir au moindre mouvement brusque de l'animal. Fougue était nerveux mais il l'était tout le temps, mais la jeune fille l'avait malgré tout approcher. Un sourire se dessina sur le visage fin et gracieux de Ivan.

Elle avança sa main vers lui, doucement, prudemment.
L'étalon fit d'abord un mouvement de recul, piétinant le sol de son box. Il s'ébroua, secouant vigoureusement la tête de gauche à droite, comme s'il disait "non". La fille s'approcha un peu et Fougue fit deux pas en arrière. Son postérieur alla toucher le fond de sa petite cellule. Ils restèrent ainsi sans rien faire, se regardant dans le blanc des yeux. Il était calme en apparence mais avait peur de ne pouvoir reculer plus si elle se faisait menaçante envers lui. Pourquoi craignait-il cela ? Elle avait l'air gentille, ses gestes étaient lents et doux. Elle le laissait faire le prochain pas mais l'animal restait méfiant. Il ne la connaissait pas.

Téméraire, il tendit le cou et souffla. L'air explusé par ses naseaux était chaud et il chatouilla la paume tendue de l'adepte de l'eau. Celle-ci ne bougeant pas, il fit juste un pas, avançant un sabot afin de se rapprocher d'elle pour la sentir. Mais finalement il fit marche arrière, revenant se coller contre le fond de son box.
A deux ou trois reprises, il refit un pas en avant pour retourner finalement à sa position initiale sans avoir senti la main de Naki'.


Une petite luciole toute en lumière vint se promener autour de la jeune fille et du cheval.





L'elfe avait fait apparaitre son gÿk, petit insecte malicieux du nom d'Injia.
Le cheval avait l'habitude de la petite bestiole qui avait souvent pour effet de le calmer. Ivan pensait que c'était la lumière pâle qu'Injia dégageait qui rassurait Fougue. Il voulait voir jusqu'où la fille arriverait mais lui donna un coup de main en envoyant la luciole à ses côtés.




Fougue vit l'insecte tourner autour de l'étrangère. Il voulut saluer Ijia et s'avança plus en confiance. Si la luciole qu'il connaissait, cette petite lumière était aux côtés de la fille c'était qu'elle n'était pas méchante.

*Que tu peux être têtu Fougue !*

L'écuyer s'avança. La jeune fille l'avait vu, il n'avait plus de raison de rester à l'écart. Encore qu'il aurait bien aimé voir si l'étalon allait se décider seul...




Le cheval hennit quand il "reçut" le message de son ami. Il poussa l'adepte en appuyant sa tête sur le ventre de celle-ci afin de voir l'homme qui s'occupait si bien de lui Il n'avait plus aucune considération pour la fille.




Nakigao tomba à la renverse sous la poussée du cheval mais ne toucha pas le sol. Deux mains se trouvaient sous ses aisselles et la retinrent. Un sourire géné était penché sur son visage.

"Désolé !"

Ivan la remit debout et s'éloigna un peu pour récupérer son bonnet vert qui était tombé durant sa "course". Il était rapide et aérien comme tous elfes et avait parcouru la distance qui le séparait du box de Fougue et de la jeune fille en quelques secondes à peine.
Il se recoiffa, passant ses cheveux blonds derrière ses longues oreilles.
La petite luciole tournait autour de lui. Sa lumière avait légèrement baissé transcrivant l'état de gène dans lequel son propriétaire se trouvait.

"Je pensais que ça l'aiderait... à venir vers toi... Vraiment désolé..."




Fougue s'énerva dans son box, attendant quelque chose de l'homme. Il secouait la tête avec force et respira bruyamment.



*Ca suffit ! Calme-toi !* ordonna l'elfe mentalement à l'animal.
Il vint se mettre prêt de lui afin qu'il ne fasse plus de mal à la jeune fille et passa son bras sur l'encolure du cheval le maîtrisant un peu ainsi. Fougue se calma et baissa la tête comme en signe d'excuse.

Effectivement, Nakigao manqua de tomber à la renverse lorsque le cheval décida de la pousser. Elle pourrait remercier l'écuyer un peu plus tard sûrement. Cependant le geste du cheval ne l'étonna pas réellement. Elle se doutait bien que ça ne marcherait pas du premier coup. C'était la première fois que l'animal la voyait et même avec les personnes connues, il semblait plus ou moins distant. Après cet épisode où l'animal décida qu'il ne s'attarderait pas sur la « nouvelle », Nakigao préféra restait à l'écart. De plus il semblait s'énerver un peu plus.

Naki' écouta également les excuses de l'elfe si elle en jugeait à ses oreilles en pointe. Ce n'était pas bien grave, elle se doutait que ça ne serait pas évident.Et puis comparé au premier cheval qu'elle avait vu avec un tel comportement, elle s'en sortait plutôt bien, cette fois-ci on n'avait pas essayé de la piétiner.

« Ca ne fait rien, vous savez. Je n'espérais pas qu'il soit sympa avec moi du premier coup. »

Naki' avait effectivement quelques connaissances en la matière. Elle avait quatre ans la première fois qu'elle avait vuun cheval, et six quand elle avait manqué de se faire piétiner par l'un d'eux. Elle avait pu dompter ce dernier que trois ans après, et il lui avait fallu près de trois semaines, pas moins.

"Fougue n'est pas du genre à se faire ami avec tout le monde. Il y en a d'autres ici que ça ne gène pas d'avoir une nouvelle tête sur le dos à chaque fois mais ce n'est vraiment pas son cas."

L'elfe sourit à la jeune fille avant de reporter son attention sur l'animal. Il lui caressa les naseaux montant jusqu'aux oreilles en passant entre les yeux. Le cheval se laissait faire et ses gestes doux l'apaisaient.

"J'ai mis beaucoup de temps avant de pouvoir faire ça avec lui. Mais il ne veut toujours pas de moi sur son dos."
Il avait dit cette dernière phrase avec un accent légèrement déçu dans la voix. Il était proche de tous les animaux et spécialement des chevaux avec qui il pouvait communiquer par la pensée. Les chevaux ne lui répondaient évidemment pas mais ils le comprenaient. Avec Fougue, il y avait eu cette espèce de barrière à faire tomber avant d'avoir accès à son esprit. Ivan ne savait pas pourquoi mais en passant beaucoup de temps avec l'étalon il espérait un jour apprendre.

"Tu veux qu'il te sente ? On peut essayer si ça te dit..."

S'il proposait cela c'est qu'il pensait pouvoir arriver à accepter ce premier geste de la part de l'étalon. Rien n'était jamais sur mais avec un peu de temps et beaucoup de patience c'était possible.

Nakigao n'était pas contre le fait d'essayer une fois de plus. Après tout, c'était avec un peu de patience et de la persévérance que l'on arrivait à tout. Naki' aimait les chevaux et même si elle avait déjà croisé un cheval qu'il ne se laissait pas monter, mais chaque cheval était différent et ainsi le temps qu'il lui avait fallu la première fois n'était pas une référence à suivre. Tout dépendait du cheval.

« Je veux bien essayer. »

Nakigao était patiente et qui plus est, elle connaissait déjà un peu le domaine des chevaux. Les sept enfants Makoto, Naki' et ses six frères, avaient durant plusieurs années et aujourd'hui, ils devaient continuer mais sans Naki', des chevaux. Même si certains étaient vendus, c'était comme une première responsabilité pour eux, et c'était par la suite devenu bien plus une passion qu'autre chose.

Naki regarda l'étalon. Elle pouvait y arriver si l'animal le voulait. Et elle essaierait encore.

"D'accord."

La petite luciole vint se placer dans le creux de la main de Naki'. Fougue la connaissait donc il accepterait plus volontiers de s'en approcher.

"Je te présente Injia, mon gÿk." fit Ivan à la jeune fille dont il prit la main afin de la tendre vers l'étalon. Il se plaça à côté d'elle de manière à ne pas rater les réactions de l'animal et pour que celui-ci le voit bien.
Il était calme et serein comme toujours. Il serait toujours assez vif pour écarter l'adepte de l'eau en cas de problème et ne se sentait pas nerveux à cette perspective. Fougue le connaissait, il pourrait toujours l'arrêter avant qu'il ne s'énerve trop.

"Très bien, allons-y doucement."

Il fit un pas en avant forçant Nakigao à faire de même avec lui. La main de la jeune fille reposait dans la sienne. Injia brillait et cela capta le regard de l'animal.

*Tu n'as pas à avoir peur. Tu vois, je suis là.*
Ivan préféra s'adresser à l'étalon par la pensée. Le lien était meilleur de cette manière.




Fougue esquiva un mouvement de recul mais la vue de la petite boule de lumière le stoppa dans son action. Il restait dubitatif. Regardant tour à tour, la main où brillait le gÿk de l'elfe, le visage de celui-ci et de l'inconnue.
Il lui dit de ne pas avoir peur. Avait-il peur ? Peur de cette petite créature humaine ? La pensée d'un cheval ne va pas aussi loin et il était bien incapable d'y répondre. Il ne voulait pas. Il se contentait de ce qu'il avait et il ne voulait pas avoir ce que les humains appellent des "amis".
Il ne fit rien quand la main de Naki' et celle d'Ivan se rapprochèrent de lui. Il se contenta de regarder, d'analyser.
Injia attirait toute son attention. Ce petit point lumineux était tout à fait intéressant. Nombreuses fois l'homme l'avait utilisée pour jouer avec lui. Il expulsa de l'air par l'équivalence chez l'équidé du nez humain dans la direction du petit gÿk. Celle-ci s'envola un instant, répondant à l'invitation lançée par le cheval puis retourna se poser dans la paume de la jeune fille. Fougue avança un peu la tête et souffla de nouveau.




*C'est bien mon ami*

Alors que l'étalon avança la tête, Ivan fit tendre un peu plus la main de la nouvelle adepte. Ayant le bras plus long qu'elle, il la força à avancer un peu.

Il la sentait sure d'elle. Elle n'avait pas peur. Elle devait avoir une habitude des chevaux ou tout au moins des animaux. Ne pas montrer sa peur, ou encore mieux ne pas en éprouver était essentiel pour entrer en contact avec un animal inconnu.

Se baissant, il lui glissa à l'oreille.
" C'est très bien... Parle-lui maintenant"





Fougue avait perçu l'avancée du "couple" et arrêta un instant son jeu essayant de voir ce qu'ils allaient faire.
Comme rien d'autre ne se passait -mouvement(s) suspect(s)- il se reconcentra sur la luciole. Il l'aimait bien.

Nakigao avait décider de retenter donc. L'efle dont elle ignorait encore le prénom lui présenta son gÿk. Cette fois-ci, Naki pu voir qu'il s'agissait bien d'une luciole. Peut-être que ça l'aiderait effectivement puisque l'animal semblait être intéressée par la petite boule de lumière. La sensation au toucher avec la luciole semblait bien étrange, mais agréable cependant. Ainsi cette fois-ci, Naki avait un peu d'aide pour approcher le cheval, et ça ne serait pas du luxe.

Ainsi aidée par l'elfe, Nakigao avança en même temps que l'elfe avançait et approcha son bras en même temps que l'elfe approchait le sien. Mais Naki' était plus petite et pour avancer encore son bras, il fallait qu'elle avance. L'elfe dit alors que c'était très bien, et que Naki devait parler au cheval. Elle n'était pas sûre cependant de ce qu'elle pouvait lui dire. Même si elle n'avait pas peur et qu'elle semblait bien sûre d'elle, Naki avait toujours eu du mal à communiquer. Cependant, il fallait sûrement qu'elle rassure le cheval, comme pour la première fois.

« ... N'aie pas peur... Je ne te ferais pas mal... »

Bien qu'elle l'ait déjà fait avec un autre cheval, Naki' n'avait aucune garantie de résultat positif. Chaque cheval avait son caractère, surtout parmi les caractères forts. Et il était difficile d'arriver à quelque chose en se basant sur les réactions d'un autre cheval.

Comme lorsqu'elle parla la première fois, Fougue s'arrêta et la jaugea. Mais moins énervé grâce au jeu dans lequel l'avait entrainé Injia, il se contenta de la regarder "dans les yeux", enfin dans une idée approchante (xD). Elle était bien plus petite que Ivan qui se tenait à ses côtés. Les deux le regardaient, espérant une réponse favorable de sa part. C'était juste l'espérance qui les entourait et cela le cheval le ressentit. Aucune animosité, aucune crainte non plus.
Les paroles prononçées par la fille rencontrèrent un certain écho dans l'esprit de l'étalon. Il les avait entendu déjà. Ce n'étaient pas tant les mots que le ton qu'elle employa que ressentit Fougue.

La petite luciole s'envola et vint se mettre juste devant le nez de l'animal. Celui-ci sembla loucher sur elle et la suivit du regard quand elle revint se poser sur la main de Nakigao. Etrangement humain à cet instant, le cheval réfléchit.
L'homme était là, celui qui ne lui avait jamais fait de mal et qui prenait soin de lui avec beaucoup de patience. La petite bestiole lumineuse, son amie de jeu. Tous deux l'encourageaient pour qu'il fasse connaissance avec la petite demoiselle inconnue. C'était qu'il ne risquait rien...

La main tendue de la fille. La petite Injia. L'un qu'il ne connaissait pas, l'autre qui ne lui faisait pas peur...
Il avança la tête, doucement guettant le moindre mouvement suspect de la part de la fille au pendentif bleue. Il regardait tour à tour la main, le visage de celle-ci et percevait les "ondes" encourageantes de son protecteur.

Arrivé à quelques centimètres de la paume ouverte de Naki', Fougue souffla dedans après en avoir respiré l'odeur. Le minuscule gÿk s'envola, tourna autour de la tête du cheval faisant la fête à cette réussite, à ce premier pas.

Mais déjà las, le cheval fit rapidement "marche arrière" et retourna à l'abri de son box.




Ivan était ravi. Un large sourire illuminait son beau visage.
Le lien qu'il avait tissé avec l'animal était fort et avait permis ce geste que Fougue n'aurait jamais fait de lui-même. L'elfe était fier de son travail, de la complicité qu'il avait réussi à établir avec l'étalon.

"Merci beaucoup mon ami !"

Puis s'adressant à Nakigao
" On va le laisser tranquille maintenant.C'est déjà un beau progrès pour une première rencontre. "

Le cheval avait bel et bien fini par sentir la main de Nakigao juste avant de souffle dedans. Elle connaissait ce geste, qui semblait toujours difficile pour les chevaux au caractère comme celui de Fougue. C'était effectivement un gros progrès, comme venait de dire l'elfe dont elle ignorait encore le nom. Elle acquiessa d'ailleurs à la première partie de sa phrase. Elle n'en espérait déjà pas tant du premier coup, ou plutôt du deuxième, alors elle pouvait bien se retirer maintenant.

Naki' regarda le cheval et se décida donc à s'éloigner de lui en compagnie de l'elfe. Cela faisait des mois qu'elle n'avait pas pu prendre soin d'un cheval ou en approcher un. Parla faute de sa mère sûrement, mais ce n'était pas ce que Naki pensait à cet instant. Elle pensait simplement au jour où elle était partie, où elle avait dit au revoir à chacun des chevaux de l'étable avant de partir pour les quelques mois d'errance qu'elle avait connus.

S'éloignant donc de l'animal, elle jeta cependant un dernier regard à l'animal, puis sortit enfin quelques mots de sa bouche, même si elle n'était jamais à l'aise dans ce genre de situation.

« Je dois avouer que j'en attendais pas autant de sa part dès le début. »

Ivan accompagna la jeune fille quand celle-ci s'éloigna du box de Fougue. Son regard passait le long des autres box vérifiant que tout allait bien pour les autres chevaux.

La phrase de Nakigao le fit sourire.

"Tu as l'habitude des chevaux je ne me trompe pas ?"

Il s'arrêta un instant devant une jument blanche qu'il salua d'une caresse. Le ventre de celle-ci était bien rond et il attendait l'arrivée du petit dans les jours qui allaient suivre.

" C'est vrai qu'il a fait beaucoup aujourd'hui. Mais je n'en suis pas trop surpris... Il est beaucoup moins nerveux que lorsqu'il est arrivé ici. Il m'a fallu beaucoup de patience pour l'approcher les premiers temps. Maintenant il me connait et Injia aussi -la petite luciole se posa sur le bout de son doigt levé et disparut- c'est plus facile."

Il laissa la jument qui était en bonne santé et reprit sa marche aux côtés de l'adepte de l'eau. Il tourna son visage vers elle, avec un grand sourire.

"Je ne me suis même pas présenté ! Mon nom est Ivan Kinl, Ecuyer en chef de cette jolie écurie. Et tu t'appelles, petite adepte de l'eau ?"
Le collier pendu au cou de la jeune fille, il le remarqua évidemment.

Ils marchaient donc le long des box, et lorsque l'écuyer lui demanda si Naki avait l'habitude des chevaux, elle acquiessa d'une mouvement de tête alors qu'il la regardait. Elle s'arrêta lorsqu'il s'arrêta également. Et repartie lorsqu'il repartit aussi. L'ambiance de la discussion n'était pas trop mal, Naki arriverait sûrement à décocher des mots qui pour une fois ne seraient pas trop rares. D'où lui venait cette espèce d'incapacité à s'exprimer beaucoup ?

L'écuyer se présenta alors, Ivan Knil, écuyer en chef de la « jolie écurie » comme il l'avait dit. Et Naki était plutôt d'accord avec lui, mais c'était certainement son amour des chevaux qui lui faisait dire cela. Lorsqu'il lui posa la question évoquant le fait que Naki était adepte de l'eau, elle porta sa main au collier.

« Nakigao. Nakigao Makoto. Je viens d'arriver. »

Ca ne ressemblait pas à Naki d'ajouter des phrases à la fin des réponses aux questions mais comme l'ambiance était plutôt bonne, cela facilitait certainement les choses pour Naki. Mais la question lui revint en tête, pourquoi avait-elle un problème pour communiquer ? Cela venait-il du rejet de sa mère ou de tout à fait autre chose.

Elle n'était pas très bavarde, c'était le moins que l'on puise dire mais Ivan avait de la conversation pour deux. Il passait la plupart de son temps ici et ne discutait avec personne d'autre que les chevaux. Mais il devait admettre que la présence d'autres êtres humains lui manquait, surtout pour une race si liée à ses congénères. N'avait-il pas trouvé d'autres personnes avec qui lier amitié ? Si bien sur mais tous avaient leur occupation propre au sein de l'Académie et donc peu de temps pour se voir et parler.

Ils sortirent de l'écurie par la porte principale. En face d'eux l'arène de sable où il faisait courir les chevaux. Il sentait qu'il avait envie d'un peu d'exercice mais se dit qu'il pourrait attendre.

Elle répondit à sa dernière question.

"C'est un joli prénom Nakigao. Tu viens d'arriver ? Je m'en serais douté tu vois... ^_^ Ainsi tu n'as pu résister à l'appel des chevaux ? Quand on a ça dans le sang, on ne peut rien y faire. Saches d'or et déjà que tu peux venir ici aussi souvent que tu le souhaites. Si tu veux, je te montre là où on range le matériel si un jour tu as envie de monter ou juste de bichonner un de mes pensionnaires. Ca te dit ?"

Effectivement, alors qu'ils sortaient tous les deux de l'écurie, Nakigao pu remarquer que l'écuyer parlait bien pour deux. Il meublerait la conversation pour elle certainement. Peut-être que cela arrangeait la miss. Il lui faudrait savoir d'où lui venait ce mal être ou cette incapacilté, qui faisait qu'elle n'était pas si bavarde. Elle n'était pas à l'aise certes... mais pourquoi ? Elle y réfléchirait sûrement plus tard. Actuellement elle n'y pensait pas du tout.

Au dehors à présent, Naki écoutait attentivement Ivan l'écuyer. Il avait raison, elle n'avait pas résisté à l'appel. La première fois que son frère l'avait amené à l'étable chez eux, Naki avait été émerveillée par ce spectacle, et orsque son autre frère les rejoignit, elle avait passé une magnifique journée dont elle se souvenait encore. L'écuya discutait et proposa de montrer à Naki où il rangeait le matériel.

« Je veux bien voir. Mon frère aîné m'a initiée quand j'étais petite alors... j'ai du mal à m'en passer maintenant. »

Naki ne parlait pas souvent de son frère Daiki, sûrement parce qu'il lui manquait depuis qu'il était parti et surtout depuis que sa vie avait pris un changement, notamment avec sa mère.

"Ton frère a bien fait de t'initier. Enfin c'est mon avis très personnel. Je ne peux me passer de ces bêtes. On pourrait dire que je suis né avec... "
Ivan souriait, content d'avoir trouvé quelqu'un qui partageait sa passion.

Il conduisit la jeune fille devant un petit local sur le côté de l'écurie. Il ouvrit la porte et invita Naki' à entrer.
La pièce était tout en longueur. Des étagères où étaient posées les bombes et les bottes couraient sur le pan gauche ; de l'autre côté, callées sur des rondins figés au mur, les selles alignées. Les mors et les rênes étaient rangés dans des caisses ouvertes au sol. Sur le mur du fond, des étagères avec brosses, tapis, grattoirs pour prendre soin des chevaux.

"Voilà ! N'hésites pas à passer ici. La porte est toujours grande ouverte."
Il fit un large mouvement de bras pour lui présenter l'espace.

Il avança vers les casques d'équitation et en attrapa un. Il le tourna un instant entre ses mains, le reposa et en prit un autre.
"Cette taille devrait t'aller."
Sans demander la permission à la jeune demoiselle, il lui mit la bombe sur la tête et regarda le résultat en penchant légèrement la tête. Il ferma la sécurité sous le menton de Nakigao.
"C'est parfait comme taille. Je te la mets de côté pour que tu passes pas trois heures à chercher ta taille."
Il la débarasssa et posa le casque sur une étagère vide tout en bas.
"Les bottes sont rangées par pointure. C'est plus facile pour s'y retrouver."

Il passa de l'autre côté du local, côté selles. Posant une main sur une d'entre elles, Ivan reprit :
"Sur chacune, il y a le nom de son propriétaire. C'est la petite plaque là tu vois ? Comme ça on ne peut pas se tromper. Les rênes et les mors vont pour tout le monde. Mais -pour lui-même- il faudrait peut-être que je fasse ce même système..."

Accompagant donc l'écuyer, ou plutôt le suivant, Naki' faisait donc le tour du proprétaire. Quel bonheur vraiment ! C'était comme redécouvrir cet univers après l'avoir perdu. L'univers des chevaux... celui qu'elle avait dû s'arracher de force lorsqu'elle avait été poussée dehors par sa mère. Durant tous ces mois d'errance, elle n'avait pas pu en approcher un, le voir, le caresser, sentir la douceur de son poil sous ses doigts. Personne ne devait se sentir mieux que Naki à cet instant. Elle osait à peine se dire à quel point cela lui avait manqué.

Le pourquoi de son départ forcé lui traversa de nouveau l'esprit cependant. D'après sa mère, elle n'était qu'une malédiction pour cette famille. Comme le vilain petit canard, alors qu'elle n'avait rien fait de mal. Si... elle était née et cela avait suffit. Maudite... Nakigao refusait toujours autant d'y croire, sa mère avait tort. Oui, elle avait tort. Il n'était encore rien arrivé ici, à personne. Ce n'était pas sa faute si tous ces malheurs arrivaient, cela n'avait rien à voir avec le départ de Daiki non plus... Cette pensée fut de nouveau chassée. Pourquoi devrait-elle pense rà cela maintenant ? Pour le moment, elle pensait qu'à l'instant présent... les chevaux.

Ce qui la ramena vraiment dans le sujet fut les paroles et l'action de l'écuyer, qui venait de lui mettre une bombe sur la tête. Elle écouta alors attentivement l'homme désormais. Elle retenait, pour les pointures, elle trouverait facilement et ils se dirigeaient maintenant vers les selles. Naki passa sa main sur certaines d'entre elles. Comme cela lui avait manqué durant ces derniers mois. Un tout petit sourire se dessina sur les lèvres de la jeune fille, à peine perceptible, mais il était bien là.

« Ce que ça a pu me manquer... » dit-elle en efleurant une autre selle.

Toujours avec ce même petite sourire, Naki releva la tête vers l'écuyer blond. Mais le sourire était vraiment à peine perceptible, il était bien plus à l'intérieur. Encore fallait-il la connaître. Bien qu'elle ait perdu la plupart de ces repères après tous les évènements qui s'étaient passés ces derniers mois, Naki e avait au moins retrouver un, son amour pour les chevaux.

« Merci. »

Merci pour quoi ? Pour lui avoir rendu un peu de ses racines ? Peu probable, peut-être que les chevaux tenaient une place bien plus qu'importante pour elle, indispensable sûrement.

Tout dans l'attitude de la jeune fille indiquait à Ivan qu'elle avait souffert du non contact avec ces merveilleux animaux qu'étaient les chevaux. Une espèce de nostalgie semblait l'entourer comme lorsqu'elle toucha du doigt les selles en effleurant le cuir dur.
L'elfe ne pouvait pas lui demander ce qu'il s'est passé pour qu'elle soit ainsi privée. D'abord parce que ça ne le regardait pas, et deuxièmement elle ne le connaissait pas assez pour se confier à lui.

"Mais de rien petite demoiselle !"
Il était sincèrement ravi d'avoir rendu service à sa manière. Le petit sourire de Naki trahissait un bonheur bien caché, et ça l'écuyer le ressentait. Son sourire à lui était bien franc et ses yeux bleus sombres se plissèrent légèrement aux coins.

"Tu as peut-être des choses à faire... Je ne voudrais pas te retenir... Mais je ne te chasse pas pour autant ! De toute manière, les portes te seront toujours ouvertes."