Arrivés...?

[Contrées de Gastizhar]

Masao ne regretterait plus rien. Il avait tellement attendu le moment où il fairait connaître son nom au monde entier. Le Néant, peu lui importait ; il voulait voir de ses yeux celui qui avait nourri l'encre sur les livres qu'il lisait. Rien d'autre. Et puis, après, il verrait ; ne vivre que par planifications n'avait rien de bon pour l'âme. L'elfe avait passé le portail, et regardait autour de lui. Il ne voyait aucun ciel à l'agonie, aucun donjon titanesque surplombant le paysage, ni de foule de déséquilibrés prêts à prendre une vie pour un oui ou un non. Il voyait une chambre close, tout en pierre, avec quelques faibles lumières ainsi qu'Ezias lui tirant un affreux sourire.

"... Que cela signifie-t-il... ?"

Tournant la tête avec une expression de légère surprise, il leva les yeux au ciel, puis, deux secondes après, il baissa les yeux vers son maître en souriant d'un air narquois.

"Aaaah.... Je vois. Une épreuve m'est imposée en guise d'initiation ?"

Il enleva alors son haut, puis le posa sur le côté. Secrètement énervé par le sourire à la fois charismatique et arrogant de son maître, il leva lentement les bras et ferma les yeux, de manière à se livrer à ce que lui préparait Ezias...

"Je suis prêt pour votre première leçon. Je vous le dis une troisième fois : vous disposez de moi comme bon vous le semble."

Sur ce, son sourire angélique disparut, et il ouvra légèrement les yeux. Puis il se tut. Que préparait donc le Général ?

[Contrées de Gastizhar]

Les cachots étaient un endroit à part dans le Bastion. C’était celui que préférait le Général du Néant. Il adorait ramener ici des jeune innocents et leur faire subir les pires atrocités avant que mort s’en suive. Parfois, il s’agissait d’adeptes de l’Académie, qu’il enlevait lors d’une de leur mission et les ramenait ici ensuite. Leurs cris étaient pour lui un véritable délice qu’il n’aimait pas partager. En effet, la torture était pour lui un plaisir égoïste qu’on ne gardait que pour soi. D’habitude, il apportait des instruments de tortures bien à lui, mais étant donné les circonstances, il comptait utiliser les outils les plus classiques.

Ezias apparût à la suite de Masao juste avant que le portail ne se referme. La pièce était éclairée par des néons accrochés au plafonds. Les lampes généraient une intense lumière qui semblait d’autant plus forte à cause des murs blancs qui renvoyaient inlassablement celle-ci les uns sur les autres. Il était donc facile pour les deux hommes de distinguer chaque élément de cet endroit pour le moins étrange. Sur une longue table en métal étaient alignés toutes sortes d’instruments tranchants, piquants et d’autres encore qu’Ezias n’utilisait pas pour sa part. D’ailleurs, la seule personne qui s’en servait sur toute la base n’était autre que Suzanna Shiny. La succube prenait un malin plaisir à jouer sur toutes les facettes de la torture avec ses invités, hommes et femmes confondus. Préférant ne pas y penser, l’être des brumes saisit d’une main experte un long couteau aiguisé dont la lame était couverte de sang sec. Il passa son doigt sur l’une des taches avant de porter ce dernier à sa bouche. Il fit tapoter bruyamment sa langue sur son palais avec un soupçon s’exaltation. Qu’il aimait ce goût légèrement salé. Ce parfum de violence et de mort qui faisait encore palpiter son cœur d’excitation. La seule chose qui rendait sa vie intéressante c’était de pouvoir encore ressentir cela. Le tuteur se retourna vers son disciple en faisant sauter son arme de sa main gauche cers sa sœur de droite et inversement. Un sourire se dessinait rapidement sur ses lèvres, et il était inutile de posséder un quelconque don de voyance pour comprendre que l’elfe allait passer un sale quart d’heure.

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« - Je crois que nous allons commencer immédiatement notre première leçon. Ce chapitre d’initiation s’intitulera : Le Respect ! A ce niveau, tu as pas mal de retard, on va se charger de rattraper tout ça si cela ne t’embête pas bien sûr. »

Le garçon semblait avoir compris qu’il n’était pas en état de négocier quoique ce soit. Il enleva de sa propre initiative le vêtement qui recouvrait le haut de son corps. Avec une rapidité étonnante, des filins d’énergie sortirent des doigts du maître du néant et ligotèrent fermement les poignets du garçon. Puis, non sans avec habileté, il décrivit un geste souple avec sa main pour que la corde magique qui l’entravait se rattache à un crochet suspendu au plafond. L’habitant de Gastizhar se retrouva ainsi, les pieds à quelques centimètres au-dessus du sol, le corps tendu, à la merci du général.

« -Ouvrons le livre page quarante-sept . Oh ! Suis-je bête ! Il n’y pas de livre ! On va devoir ouvrir quelque chose d’autre … Cela me donne une idée ! »

Il planta la pointe du de la lame en plein milieu de l’abdomen de son nouvel élève et scalpa une ligne droite dans la chair jusqu’au niveau du nombril qu’il frôla de peu. Avec sa main libre, il caressa tendrement la blessure en récoltant le sang qui s’en échappait. Voyant que le liquide vermeil ne s’arrêtait pas de couler, il décida d’utiliser une méthode plus efficace. Il plia un peu les genoux et passa la langue là où le flot d’hémoglobine s’écoulait. Il généra en même temps un fil d’énergie qui s’échappa de sa bouche et vint stopper l’hémorragie.

« -Tu as une peau si douce, Masao. Pourquoi m’obliges-tu à l’abîmer ? Arrêtes de jouer au plus fin avec moi et commençons enfin l’entraînement ! »

Masao se fit mettre les mains dans le dos par l'étrange pouvoir d'Ezias. Désormais, le jeune homme s'était fait une idée approximative du pouvoir de son nouveau tuteur.

*Hum... La matérialisation de l'énergie est un pouvoir de monnaie courante dans cette galaxie. En tout cas, héhé, mon niais de maître va me faire passer un mauvais moment... J'accepte le défi. Alors... Titre de la leçon : le respect. Oh, mais vous avez raison, maître : un auteur a dit qu'il vallait mieux respecter un homme que d'avoir pitié de ce qu'il est devenu. Héhéhéhéhé..... Bref. J'espère qu'il va y venir directement à la torture de niveau 3, et révéler sa facette de pervers à mon esprit sain...*

Ezias, à la suite d'une série de répliques d'un humour ironique certain -ce qui le faisait remonter très légèrement dans l'estime de Masao-, planta un poignard dans le torse du jeune homme. Ainsi le jeune tueur put ressentir la douleur... Lente et purificatrice... Picotant violemment la peau à chaque goutte congestionnée s'écoulant... Tout le corps en alerte... Mais malgré tout, le Général sadique semblait ne pas désirer trop déteriorer son adepte.

*Non... Non...!!! C'est trop... C'est trop pénible...*

Masao ne poussait aucun gémissement, mais son souffle bruyant résonnait beaucoup dans la salle métallique, et il avait ses yeux cachés par ses cheveux.

*Oui... C'est décidément trop pénible... De devoir se retenir de rire !*

C'était le corps de l'assassin qui avait mal, mais pas son esprit. Il ne pouvait que matérialiser une aiguille (créer un crayon serait trop inutile dans cette situation) et, à une vitesse impressionante, se la projeter dans la colonne vertébrale : la tâche était plutôt prompte, mais ardue, à cause des solides liens qu'avait tissés Ezias. L'aiguille se désintégra silencieusement une fois à l'intérieur du corps de Masao : pas de crayon à mine ni d'aiguille fine d'accuponcture pour conférer des ustensiles d'interrogatoire gratuits à ce crétin de Général. L'aiguille avait relaxé Masao, et l'avait mit dans un état d'ataraxie moyenne. Son souffle s'était calmé. Ses cheveux cachaient l'expression de son visage, mais il jouait encore la carte de l'hypocrisie en prenant une fausse expression peinée et souffrante.

"Très bien... Que... voulez-vous... que je fasse.. pour cet entraînement... ? Dois-je... vous obéir... ? Ce n'est pas... l'incident de tout à l'heure... qui m'incitera.... à contrevenir à vos décisions... Ah... au fait... profitez... de la douceur... de ma peau... à votre guise."

Masao se tut docilement, attendant la prochaine étape de la torture. Il n'était guère patient, mais mourait d'envie de connaître la suite du programme.

Masao gémissait trop doucement au goût du général. Il avait envie de l’entendre le supplier, pas lui en demander plus. Cet elfe était peut-être masochiste ou alors faisait preuve d’une étonnante résistance à la douleur. Ezias n’aimait pas vraiment cette situation. Pourquoi est-ce que celui-ci serait tellement différent des autres qui étaient morts dans cette pièce. S’il le tuait, est-ce que cela changerait quelque chose ? Non … L’être des brumes devrait trouver un moyen sûr pour que ce garçon apprenne à le respecter. Sa disparition déplairait à Loki, mais surtout, ce serait une insulte envers Ezias lui-même. Aucun esprit n’avait jusque là osé lui résister. Il y avait juste Océanne, l’héritière de l’eau qui lui avait parfois donné un peu de fil à retordre, mais chez les autres, la combativité avait toujours été quasi-nulle. Peut-être avait-il enfin trouver un profil vraiment intéressant ? Plus le défi était grand, plus la victoire finale serait jouissive. Oui, le général savait qu’à la fin, il gagnerait. Car, il gagnait toujours …

Soudain, Ezias eût une réaction inattendue, du moins à ce moment là. Il se mit à éclater de rire jusqu’à en perdre le souffle. Ses mains se tordaient à faire peur sur son ventre plié en deux. On pouvait même distinguer de vraie larmes de joie sur ses yeux. Se laissant aller, Ezias se laissa tomber par terre, laissant sa jolie cape noire se répandre sur le sol. Quand sa crise se termina enfin, il essuya avec son index les gouttes qui perlaient au coin de ses orbites. Il reprit doucement son souffle en observant, attendri, le jeune adepte du néant, toujours pendu au plafond comme une vulgaire pièce de viande. Le général se releva et appuya avec force sur la blessure, tout en collant son visage contre celui de l’assassin, sa bouche toute proche de celle de l’autre.

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« -Cela ne te fait rien, c’est ça ? Tu aurais pu me le dire plutôt, Masao … Comment veux-tu que je t’enseignes quoique ce soit si tu ne m’indiques pas dans quelle classe tu es ? Tu veux gémir encore un peu pour moi ? On va reprendre la leçon où l’on s’en est arrêté ... »

L’être des brumes fit deux pas en arrière, sans pour autant relâcher son attention sur l’elfe. Il ne cillait pas, il ne laisserait pas ce dernier plaisir au garçon. Il fallait qu’il souffre, il fallait qu’il comprenne qu’Ezias n’avait pas d’égal chez les mortels. C’était grâce à lui que Loki avait pu échapper aux griffes d’Orion lors de sa réincarnation. En contrepartie, le maître l’avait doté d’un pouvoir inimaginable et ce n’était pas ce gringalet qui allait pouvoir le mater. Il faisait partie de l’une des races les plus puissantes : les êtres des brumes, il allait lui montrer son pouvoir.

A la base, les êtres de brumes ne peuvent s’incarner seulement dans des cadavres, ou bien des enfants de bas âge. Il était beaucoup trop difficile de faire plier un esprit mûr, et l’âme n’y résisterait pas. Seulement, le général n’était pas n’importe qui,ses facultés lui permettaient de s’incarner même dans quelqu’un de vivant. Il ne lui restait qu’à montrer ce pouvoir à l’habitant de Gastizhar. Le maître du néant ferma doucement ses paupières, et laissa son âme caresser les limites de sa propre enveloppe charnelle. Le rideau de chair était tellement fin. C’était si simple de le traverser. Et un autre corps, plus jeune, plus vigoureux l’attendait à l’extérieur. Il n’y avait qu’un pas faire pour le saisir. Voilà l’état d’esprit dans lequel il fallait entrer pour pouvoir accomplir le rituel de changement de corps.

Quand ses paupières s’ouvrirent, celles-ci semblaient vides et dénuées de vie. Sa peau blanchit à une vitesse ahurissante et d’affreuses rides apparaissaient et déformaient son corps qui paraissait si juvénile quelques instants auparavant. Où était passé le fier guerrier de tout à l’heure. Il vivait toujours, bien sûr, mais il avait quitté son corps. En réalité, il n’était pas parti très loin, il se contentait de flotter au-dessus de sa propre dépouille sous la forme d’un brouillard compact. Si on regardait bien, on pouvait même discerner dans cette brume informe, un visage à l’air vaguement humain qui représentait la monstruosité de ce spectre des temps passés. Le masque venait de tomber, et la véritable apparence de la créature venait d’être dévoilée au grand jour.

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« - Je crois que tu vas regretter ces dernières paroles, mon garçon. Allez, fais un sourire à la maîtresse ! »

La brume poisseuse se rassembla en un point et donna à Ezias une apparence plus humaine, mais pas moins effrayante pour autant. Entièrement blanche, cette silhouette morbide ne ressemblait plus en rien à l’ancien général, sauf peut-être ce regard terrifiant, qui laissait transparaître une cruauté et un sadisme évident. Ses cheveux – si cela en étaient bien – étaient un peu plus long et descendaient le long se son cou en de belles boucles d’argent. Par contre, il ne s’encombrait plus de vêtements mais étant donné le manque de consistance de la brume, il était impossible de distinguer quoique ce soit en dessous de son ventre.

Ezias avait appuyé sur la blessure de Masao, mais bien sûr, il n'avait pas mal au fond de lui. Etait-ce donc tout ce dont il était capable ? L'assassin regardait Ezias droit dans les yeux lorsque celui-ci colla son visage contre le sien. Révélant son vrai visage, il rit en pensant à la manière folle de l'être des brumes de rire au éclats en se traînant par terre.

"Faites donc ! En tant que votre disciple, sachez que tous les grands auteurs puisent leur inspiration dans le tourment, le supplice voire la folie. Autre cas, j'aimerais appliquer votre leçon aussi vite que possible, de manière à ce que mon temps ne m'échappe pas des mains... Ne pensez-vous pas qu'en me faisant voir votre dieu, puis en reprenant après, le dit respect s'encastrera en mon for intérieur ? Continuez donc, maître, d'essayer de me plonger dans le désespoir : cela ne peut que me rendre service. J'ambitionne d'expérimenter la nuit la plus sombre qu'il y ait jamais eu lieu d'exister, ainsi, êtes-vous capable de m'y plonger ? Il me semble que oui... Je vous fais confiance ^^"

L'absence de pulsions meurtrières chez Ezias insupportait Masao : il ne souhaitait pas de pulsions sadiques à ressentir... La vie était aussi faite pour être prise, et Masao voyait les criminels comme des acteurs et les innocents tels des victimes servant de support à l'intrigue. Mais c'est devant les tueurs de cette galaxie que ces Dieux d'en haut purgeaient leurs passions. Ainsi, Masao serait déçu s'il ne voyait pas de cruauté plus extrême encore qu'à Gastizhar.
C'est alors qu'Ezias déclencha son pouvoir. Sa présence dans la salle se faisait immensément meurtrière. L'habitant de Gastizhar la ressentait bien plus désormais. C'était comme un mort-vivant devant lui... Un mort-vivant affamé de chair, en somme. Masao écarquillait les yeux, et son sourire disparu. De la peur ? Pas du tout. Bien plus : de l'emballement, de l'admiration suprême. Masao souriait alors étrangement face à Ezias.

"... L'odeur... du sang......... Comme... moi..... !"

On voyait bien qu'il avait laissé tombé la carte de l'hypocrisie. Ezias avait extrêmement bien caché son jeu jusque-là, mais sa nouvelle apparence avait tellement émerveillé Masao et l'avait tellement empli de frissons, que ce dernier avait changé d'avis sur Ezias. Il n'était plus le bourreau stupide et vaniteux voulant se faire lécher les pieds ; il était désormais un génie absolu de la souffrance, une main du diable, un gardien du pandémonium : la véritable puissance d'un des 10 Généraux du Néant se laissait entrapparaître par Ezias. Masao baissa la tête lentement, puis, après une vingtaine de secondes, la leva en mettant au rebut son masque articifiel cachant son caractère, afin de révéler son véritable moi. On voyait clairement qu'il ne respirait plus le mensonge. Un changement s'était étrangement produit... Mais Masao ne voulait pas y réfléchir maintenant.

*... Il vaut bien mieux être un âne décrépit qu'un lion trépassé...*

"... Je..."

Sa décision était prise. Il leva la tête en souriant légèrement.

"Je m'étais entièrement fourvoyé à votre sujet... Maître Ezias."

Souriant mesquinement, il se résigna à souffrir en son âme, selon les désirs de son nouveau maître.

"Où en étions-nous ? Engouez-vous de mes hurlements, tel que convenu ^^ Que ma peine ne soit pas inutile.... ^^"

Le général fut heureux de voir l’expression moqueuse de Masao disparaître. Enfin, il avait réussi à faire comprendre en ce dernier la différence de niveau qui les séparait et qui était comparable à un gigantesque fossé. Ce n’était pas avec quelques stylos et un carnet magique que l’être des brumes allait tomber. La créature fantôme dévoila ses dents blanches dans ce qui ressemblait plus ou moins à un sourire. Satisfait ? Non, Ezias ne l’était pas assez. Etant donné qu’il avait commencé à sortir le grand jeu, il souhaitait encore garder cette apparence encore quelques instants. L’elfe était si proche de lui, il caressa sa joue rose du revers de sa main de brume. Aussitôt, quelques cheveux du garçon virèrent au blanc pour le plus grand plaisir du spectre.

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« -Non, on va s’arrêter là. Je constate que tu es redevenu raisonnable, le jeu a perdu ton son intérêt. Maintenant que tu sais de quoi je suis capable, je vais te montrer tes nouveaux appartements. »

Le maître du néant rompit le contact douloureux avec la peau si douce de l’adepte. Flottant au dessus de sa dépouille, il hésitait encore à y pénétrer. Quand il y pensait, il devait avouer que cela faisait un certain temps qu’il la conservait. Elle n’était plus de dernière jeunesse à présent et le jour où elle commencerait à pourrir ne tarderait pas à arriver. Il avait trouvé ce cadavre aux abords d’un marais. C’était celui d’un jeune pêcheur d’après ce qu’il avait appris par la suite. Il s’était fait attaqué par une meute de loups qui avait fui aussitôt en sentant approcher l’aura malsaine d’Ezias. Il était tout de suite tombé sous le charme de ce visage ovale, ses yeux clairs en amande et cette bouche juteuse. De plus, le corps était déjà assez musclé et il n’aurait pas eu besoin de l’entraîner outre mesure. Il s’était ensuite emparé de ce corps sans vie et l’avait gardé des années durant. Cette longue histoire d’amour avait duré jusqu’à aujourd’hui mais il commençait seulement maintenant à penser que cette enveloppe avait fait son temps et qu’il était temps de changer à présent.

Comme ce n’était pas vraiment le moment idéal pour y réfléchir, il décida de remettre cette question à plus tard en gardant précieusement cette idée dans un coin de son esprit. Une fois cela fait, il regagna sa dépouille. Celle-ci retrouva tout de suite sa jeunesse et sa vigueur quand l’âme familière du guerrier reprit sa place en elle. Ezias se releva un peu assommé. Ce sentiment d’hébétude arrivait à chaque fois qu’il procédait au rituel d’échange des corps. Il devait toujours attendre quelques minutes avant de reprendre la totale maîtrise de ses réflexes. Quand celles-ci furent écoulées, il s’approcha de son disciple et le libéra de son entrave magique. Pour ne pas qu’il tombe quand les fils se rompraient, il le prit dans ses bras comme un prince l’aurait fait avec la belle de son cœur dans un conte de fées et défît les liens solides qu’il avait lui même générés. Ni une, ni deux, Masao se retrouvait enfin libre de ses mouvements.

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« - Ne t’inquiètes pas pour ta mèche, les prochains cheveux qui pousseront auront ta couleur naturelle. Je trouve ça un peu dommage, le blanc te va bien … »

Rien ne semblait laisser penser que quelques instants plus tôt, le jeune homme originaire de Gastizhar s’était retrouvé pendu à un fil tandis que le général se faisait une joie de le torturer. Il lui parlait maintenant avec une douceur feinte qui ne ressemblait en rien au ton menaçant qu’il avait adopté tout à l’heure. On aurait dit un autre homme.

Masao fut reposé par terre par son Général ; le changement inopiné de comportement d'Ezias lui paraissait trop paradoxal et anormale. Mais il n'en avait cure : maintenant que la torture avait atteint son terme, les choses sérieuses allaient commencer.

"Déjà fini ? Comme je suis triste ^^ mais ce fut divertissant, spécialement vers la fin... Vous devriez garder cette apparence plus souvent, j'en ai harmonieusement peur. Et puis, vous savez... Un jour, si vous êtes en manque de corps puissants, louez-le mien ^^ je n'en serai point affligé une fois décédé."

Il se retourna, toujours en souriant d'une fragilité trompeuse, puis semblait se dérouiller quelques os ; puis le jeune homme mit ses vêtements et matérialisa une petite aiguille entre ses doigts surhabiles, et devant les yeux de son maître, se la planta lentement au milieu de la nuque, jusqu'à ce qu'elle disparût totalement. Il fut immobilisé durant cinq secondes, puis on l'entendit respirer : l'aiguille avait disparu après une très brève léthargie. Puis l'elfe assassin se retourna vers Ezias.

"C'est fou ce que ça détend... Si votre corps se sent mal, Maître, je peux vous faire ça à tout moment ^^ Il faut croire que mon corps a failli en pâtir..."

Puis il se dirigea vers la sortie, puis s'assit à côté de la porte.

"Nous devrions répéter ces séances plus souvent, vous savez. Si tous les Généraux du Néant sont comme vous, je sens bien que cet enfer sera mon paradis ! Ai-je tort ?"

Masao laissa tomber son bandage qui recouvrait son front, et le mit sur ses yeux en faisant apparaître son livre et sortit un crayon de sa poche.
Le tatouage en forme de croix inversée sur le front de Masao se révéla à Ezias, et une énergie plus inquiétante encore remplit la salle : mais elle était bien sûr très loin d'ébranler l'un des plus puissants Généraux d'Apocalypse.

*Il me faut établir une défense psychologique contre les autres adeptes du Néant. Voyons voir si je peux ressentir leurs Gÿks sans utiliser ma vue ^^ l'inspiration m'en viendra peut-être à l'esprit, qui sait...!*

Il se leva sans difficulté, son livre ouvert et son crayon toujours en main.

"Bien, Maître, à mon tour de vous montrer un aperçu de mes facultés : servez-vous de mon pouvoir à votre guise. Juste à titre d'information : le seul inconvénient est que je suis le seul à pouvoir écrire sur ce livre, et ainsi, en lire les pages. C'est tout ^^ Besoin d'un léger renseignement à votre profit ?"

Le Général reposa au sol son protégé en faisant attention à ce qu’il ne tombe pas. La plaie qu’il lui avait tracé sur le ventre ne saignait plus ce qui était assez normal vu la superficialité de cette dernière. Il avait en effet découpé avec adresse seulement la peau sans toucher aux organes du dessous. Normalement, la blessure devrait cicatriser d’ici plusieurs jours, à moins que cela ne s’infecte bien sûr. Il le regarda marcher jusqu’à la sortie se dandinant presque pour les beaux yeux de son maître. L’elfe disait avoir aimé la séance de torture qu’ils avaient passé ensemble. Bien qu’il ne dit rien à ce sujet, Ezias avait lui aussi envie de remettre ça plus tard. Juste pour voir jusqu’où pouvait bien aller la résistance de son disciple. Cela était peut-être dû à des facultés spéciales dont le maître du néant ne connaissait pas encore l’existence ou bien à une volonté de fer.

L’assassin fit ensuite quelque chose que l’être des brumes ne comprit pas tout de suite. Il enfonça une pointe sombre dans sa nuque avec un soupçon de délice. Apparemment, cela le soulageait un peu. Ezias sourit en voyant les prodiges que pouvait réaliser Masao. Apparemment, celui-ci était doué en acupuncture, science qui par ailleurs était un univers inconnu pour le bras droit d’Apocalypse. Il hocha la tête en soupirant. Il venait de comprendre pourquoi l’apprenti avait eu l’air de si peu souffrir. Il avait dû inhiber une partie de son système nerveux pour minimiser la douleur. Fallait-il relever la provocation ou bien laisser passer ? L’être des brumes hésita un moment avant de ranger cela dans un coin de son esprit.

A ce moment, le bruit d’un vibreur se fit entendre. C’était le portable du général. Ce dernier décrocha en voyant le nom de son maître s’afficher. Il resta de longues secondes accroché à la voix doucereuse du Leader du Néant, écoutant attentivement les nouveaux ordres de mission qui llui étaient donnés. Apparemment, Masao n’allait pas pouvoir mettre sa chambre à son goût tout de suite. Le devoir les appelait. Ezia raccrocha et rangea son téléphone dans la poche de devant de son jean.

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« - Humm. Masao, tu ne vas pas pouvoir tout de suite visiter tes quartiers. Nous avons une mission urgente à remplir. Notre seigneur vient de repérer une âme en détresse à l'Académie. Nous devons la recruter. Enfin … Tu vas la recruter et moi je t’attendrais au vaisseau. Allez, viens ! »

Le Général se dirigea vers la sortie des Cachots suivi de près par l’elfe. Ils allaient pouvoir s’amuser tous les deux.

[Hangar]

Masao montra une tête naïve et surprise à la vue du portable d'Ezias. Le Néant était bien éloigné des légendes... Un château magique et recouvert de pluie ? Non, juste une base spatiale où gîtaient des êtres se considérant comme supérieurs et ne faisant confiance qu'à eux-mêmes. Et Ezias n'échappait pas à la règle... En effet, c'était l'aura assassine du Général que le jeune Elfe admirait. Mais son avis sur l'homme qu'était Ezias n'avait hélas pas changé d'un pouce : fat au possible et si facilement irascible... Mais bien que dépourvu d'humanité, il n'en demeurait pas moins d'une perspicacité remarquable aux yeux du survivant de l'enfer de Gastizhar.

*Hum... Mon Maître a passé le test ^^ il m'a convaincu qu'il m'est tout compte fait ad hoc. Je regrette qu'il ne garde pas son apparence spirituelle plus longtemps. Qui sait, hun hun... Je suis d'humeur à outrepasser n'importe quand les règles des droits de vie aux humains tant que je ne sentirai pas de nouveau cette aura près de moi... Que mon corps en tremble de nouveau... Ah, mais le véritable art se passe de commentaires !*

Masao entendit son Maître l'appeler pour une mission. Dorénavant les yeux bandés et son pouvoir augmenté, il allait pouvoir passer à la pratique de l'entrainement qu'il n'avait jamais fini.

*Le jour où je serais immergé dans La nuit, il faudra que je ne fasse confiance qu'à mon instinct de tueur. Rien d'autre. Et le moment approche...*

"Parfait, Maître. Hun hun... Vous ne serez point déçu, je vous l'atteste. Tout du moins, je l'espère."

Son sempiternel sourire angélique sur son visage, il rangea son livre et son crayon, voyant que son pouvoir n'allait pas être dévoilé tout de suite. Masao suivit son nouveau supérieur.
Ils allaient pouvoir s'amuser tous les deux.

[Hangar]