Demain est une autre nuit

Les landes grisâtres et vallonées de Gastizhar n'étaient pas si désagréables aux yeux de Masao. On voyait très bien, assis sur le toit d'une hautissime tour. Masao, sans quitter la plaine des yeux, et sans relâcher son sourire si simple et intriguant, tendit la main d'un côté et matérialisa son livre. Il commença alors à se plonger dedans, en plissant les yeux. Il faisait tourner très habilement son stylo entre ses doigts, sans s'arrêter. C'est comme s'il gobait lentement des informations par le regard et le cerveau... Mais pas n'importe quelles informations.
C'était des informations qu'il avait relevées sur le dieu Loki. Son nom, son histoire, sa puissance divine... Tout l'attirait chez lui. Pas jusqu'à l'amour... Disons, de l'admiration. Hélas pour l'Elfe, les bibliothèques étaient très rares à Gastizhar.
Après une lecture de plusieurs dizaines de minutes, il ferma bruyamment mais soigneusement son livre d'une seule main, toujours son stylo dans l'autre main. Puis il se leva lentement en faisant disparaître son livre. En réalité, ce genre de tours étaient les parfaits lieux de rendez-vous pour des contrats à remplir. Après tout, les Elfes Noirs, étrangers à Masao, étaient suffisamment naïfs pour n'avoir que les pieds et les yeux sur terre....
Bâillant et voyant que personne n'est venu depuis deux heures, il décida de rentrer à son école, pour voir ce qu'il s'y passe. Après tout, il n'y avait rien de plus interessant à faire. Il sauta d'un toit à l'autre sans difficulté, puis dans le vide. Il atterit avec des points d'accroche, bien évidemment.
Puis il alla dans une petite ruelle absolument sombre et déserte, et il sentit la présence d'une personne d'une grande puissance derrière lui.

"... Tu n'es pas très brillant(e) pour la filature."

Méfiant, il se retourna en esquissant un sourire flegmatique. Il arrêta de faire tournoyer son stylo entre ses doigts, puis sans tendre le bras, il pointa le stylo vers la personne, et dit d'une voix douce :

"Que me veux-tu ? Je n'ai guère le temps de corriger des revanchards. Si tu m'en veux - ce que je peux parfaitement concevoir - alors le mieux est d'occulter cela en ton for intérieur : tu n'en seras que gagnant. Mais si tu as soif de conversation, n'appréhendes pas de me le dire en face, directement... Je t'en prie, parle donc."

*... Un client, peut-être ?*

Toujours en souriant calmement et en fermant les yeux, il dégageait pourtant une présence inquiétante... Terriblement difficile à décrire. Il se tut, et attendit que la personne qui le suivait répondît.

Ezias Lillia avait reçu de la bouche de Loki lui-même l’ordre d’aller chercher sur Gastizhar, la citée mal famée d’Angélionus. D’après son maître, un garçon avec des pouvoirs bien singuliers attendait qu’un membre du Néant veuille bien venir le chercher. Le général s’étonnait toujours de la façon dont le dieu se prenait pour détecter les futures recrues potentielles. Il lui suffisait de se concentrer pour sentir le désespoir, la colère ou encore l’envie de meurtre. Autant de sentiments qui mettaient à nu le cœur d’une personne et la rendait plus fragile, plus influençable. L’être des brumes ne mit pas longtemps à retrouver la trace du garçon. Perché sur un toit, il semblait lire un document plutôt intéressant vu avec quelle avidité il dévorait chaque page.

Le fidèle du néant n’avait pas encore réfléchi à la manière d’aborder son futur disciple. Utiliser la force pour lui montrer qui était le plus fort, ou bien, un rapport en douceur où les mots étaient ses seules armes. Au départ, l’idée de se battre ne l’enchantait guère. Pas qu’il craignait pour sa vie, simplement, il n’avait pas la tête à ça. Il avait récemment appris la mort de Saphire Eliamos, une jeune fille de l’Académie avec qui il avait eu une brève relation, et cela l’avait un peu chamboulé. Il savait que dans moins d’une semaine, tout serait redevenu comme avant, mais il fallait attendre encore un peu que ce triste souvenir se dissipe.

Masao après avoir terminé sa lecture avait vraisemblablement envie de changer d’endroit. Après quelques sauts, il atterrit dans une ruelle mal éclairée et déserte. L’homme aux cheveux blancs en conclut qu’il avait été repéré. Un duel serait certainement inévitable alors Ezias commença à faire sortir de ses doigts des filins d’énergie. Ceux-ci tombèrent mollement sur le sol sans aucun bruit. Le Général fit un bond depuis sa cachette jusqu’à l’endroit où se trouvait le futur adepte du néant. Sa cape se souleva en l’air avec une élégance calculée, si bien qu’on aurait cru à une paire d’ailes noires. Une fois ses deux pieds touchant le sol, il rejoignit le jeune garçon.

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« -Mais je ne cherchais pas à me cacher, jeune effronté. Mon nom est Ezias. Le Néant eu vent de tes recherches et je viens pour réaliser ton rêve le plus cher : rejoindre notre cause.»

Masao prit une expression blasée, alors qu'en réalité, il était très surpris. Un homme aux cheveux argent-azur sorti de nulle part, était prêt à le harceler pour le transporter au légendaire Bastion du Néant. Le rêve du jeune tueur allait-il se concrétiser tout d'un coup ? Cela était trop beau pour être vrai.

*... Serait-ce un piège pour se débarasser de moi ? Dans ce cas, comment connaît-il mon existence ? Seuls les membres de mon école connaissent mon nom, et aucun d'entre eux n'aurait cédé sous la torture... De plus, je ne porte aucune pièce d'identité. Et la sécurité mise en place par le bâtiment de l'école fait qu'aucun individu ne peut appliquer une quelconque idée de trahison. Peut-être que cet homme fait partie d'une organisation d'élites de l'espionnage ? Cela est fort possible, mais je ne vois pas comment ils peuvent s'interesser à notre école, il y en a deux autres dans cette ville, après tout. Hum... Je réfléchis trop... Je vais interroger ce pseudo-géronte aux cheveux d'argent... à ma façon. *

Masao gloussa légèrement en mettant la main devant sa bouche.

"Me reprocher mon outrecuidance comme tu viens de me le faire, ne peut que me gonfler davantage de superbe..."

Puis, sans le quitter des yeux en souriant calmement, il tendit la main d'un côté et matérialisa son livre, puis tourna les pages d'une seule main pour en arriver à une blanche. Il inscrivit très rapidement le prénom du général. Il s'apprêta alors à demander son nom de famille, mais la magie des pages du livre s'activa instantanément dans le Gÿk de Masao, en son âme.

"Hum... Je suis rassuré de constater qu'il n'y a que toi à t'appeler Ezias en cette vaste galaxie. Ezias... C'est le nom d'un prophète fameux pour ses prophéties exercées sur des assiettes en cuivre... Intéressant, comme prénom. Mais voyons voir..."

Il écrivit des questions au livre, qui lui confirma qu'Ezias était un des Généraux du Néant les plus puissants. Connaître le pouvoir de cet homme ne l'intéressait guère pour l'instant. Quant à son passé, Masao ne put rien en savoir... Mais il était désormais sûr que le Néant existait bel et bien. Et cette fois-ci, il eut plus de mal à dissimuler sa surprise.

"... Tu es donc bien du Néant... Il existe vraiment..."

Il fit disparaître son fidèle livre et rangea aussi son stylo dans sa poche. Il marcha alors lentement vers Ezias, puis finit par s'agenouiller devant le redoutable Général du Néant.

"Apocalypse m'a donc repéré... Hum. J'aimerais bien voir à quoi il ressemble ^^ très bien, Ezias-kun, ce serait bien pour moi d'éviter la mort jusqu'à ce que j'aie vu votre rempart, à tous. J'obéirais au moindre de tes ordres, s'il en est nécessité. Dispose de mon existence comme il te plaira... !"

*Comme quoi, les plus faibles tirent souvent profit de l'obséquiosité.*

Le général ne comprit pas d’abord pourquoi son interlocuteur, au lieu de lui répondre fit de nouveau apparaître son carnet. Il sembla noter quelque chose à l’intérieur qui d’après les mouvements du poignet devait être le prénom de l’être des brumes. En voyant d’imposants paragraphe à la suite, Ezias comprit le pouvoir du jeune Masao. Comprenant enfin, pour Loki s’intéressait à ce garçon, il se dit qu’il pourrait tirer beaucoup de profit de ce garçon. Argent, femmes, proies … Tout était à sa portée. Il lui suffisait simplement d’avoir un main son petit calepin et un stylo. Le soldat du Néant esquissa un sourire en pensant aux moments qui suivraient l’enrôlement de ce nouveau talent. Que la vie allait être douce et agréable maintenant.

Faisant craquer les articulations de ses doigts, le guerrier entendit à peine les paroles prononcées par l’érudit. Il crût discerner la rumeur d’un compliment sans en être certain. Pour toute réponse, il lui fit entendre le son désagréable que produit sa nuque quand il l’inclina brutalement vers la gauche puis vers la droite. Peu lui importait maintenant que l’avenir de Masao était tout tracé. Qu’il accepte ou non l’offre, il serait remis aux griffes de leur organisation.

Puis vint le moment, où le brun vint s’agenouiller devant le général. Bien sûr cette position ne lui posa aucun problème, il s’en sentait même flatté. Un esprit docile … Il n’aurait pas pu rêver mieux. Il releva les quelques mèches argentées qui tombaient sur son front en les ramenant délicatement vers le haut. Son mouvement gracieux fut stoppé brutalement par le suffixe que Masao avait délibérément rajouté à la suite de son prénom. Se sentant insulté, Ezias n’hésita pas une seconde à gifler violemment son nouvel apprenti. Une trace rouge commença à apparaître sur la peau du garçon gagnant en intensité à chaque seconde.

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« -Ne m’appelles plus jamais comme ça ! Je ne suis pas ton égal, je suis ton tuteur ! Recommences encore et il n’y aura pas de troisième fois ! »

L’homme était furieux. Comment ce petit imbécile avait osé tant de familiarité avec un homme de sa classe et de son niveau. Il aurait été prêt à l’étriper malgré la colère que Loki pourrait avoir par la suite, s’il n’avait pas pensé au dernier moment à tout ce que cet humain pourrait lui apporter par la suite. Reprenant peu à peu son sang froid, Ezias tourna le dos à l’elfe et entreprit d’ouvrir une brèche qui leur permettrait d’accéder rapidement au Bastion. Il caressa l’air avec ses doigts et de ses ongles aiguisés déchira le fin rideau qui les séparait du repaire des Nephilims et de leurs sbires. Le portail se dessinait peu à peu jusqu’à que le passage puisse laisser passer largement une personne.

« - Allez, dépêches-toi d’entrer par là ! »

Masao s'attendait à se faire attaquer... Mais il en avait l'habitude. Le seul à qui il obéissait réellement était son professeur, pas ce Général du Néant, arrogant et suffisant au possible. En revanche, même au moment de la gifle, il avait beau ressentir une douleur à la fois légère et brutale se propageant de manière désagréable dans sa joue, pas une seconde son sourire ne s'était éteint... Car Ezias ne l'avait pas prit à brûle-pourpoint. De plus, le jeune assassin n'aimait pas être observé en secret : le suffixe "-kun" représentait une sorte de petite vengeance. Il gloussa en pensant à la manière ridiculissime du Général de caresser ses cheveux à la manière d'un prince, mais préférait ne pas mourir maintenant, ce serait trop stupide de se faire occire aussi trivialement qu'à la suite d'une provocation. Quoi qu'il ne voyait aucun inconvénient à se faire battre ou blesser par lui derechef... L'entraînement à la torture l'avait poussé à apprécier la douleur. Mais il cacha que cette gifle était trop désagréable à son goût... Il se releva donc lentement tout en avançant lentement vers le portail.

"Une seule fois, j'ai connu de gifles plus retenues que les tiennes, Ezias. Oups pardon : Seigneur Ezias ^^ et le vouvoiement s'impose aussi, supposé-je ? J'espère que vous deviendrez plus condescendant avec moi à l'avenir. Désolé de vous avoir... importuné. ^^"

Masao s'agenouilla de nouveau aux pieds d'Ezias.

"Cela ne se reproduira plus jamais, maître. Je vous l'ai dit, vous disposez de mon existence... comme il vous plaira."

*Il est immensément plus puissant que moi ; la différence de force de nos Gÿks équivaut à la distance entre la terre et les astres. Je n'ai pas besoin de l'affronter pour concevoir cela. Mais s'il savait comme j'aime trouver les points faibles des gens... Avec mon livre, c'est trop facile, j'ai la solution ^^ je préfère attendre... Attendre. Et je verrai. Tais-toi, arrête... *

"Au fait... Votre manière d'ouvrir ce portail... Quelle classe...!"

Il finit par se relever et alla entrer dans ce portail, en pensant réellement ce qu'il disait, puis se tairait jusqu'à être arrivé devant Apocalypse. Son sourire n'était pas artificiel, cette fois-ci. Il allait rencontrer plus de ses semblables. Il allait tuer sans cachette. Mais il en connaissait aussi bien les inconvénients...

*Tu appliqueras ton plan le moment venu... Contente-toi d'obéir à Ezias, il est ton supérieur désormais... Ou devrais-je dire, dorénavant. Pour le meilleur ou pour le pire, en somme. Mais laisse ces petits soucis de côté, et savoure cet instant magique de ta vie.*

Ezias ressentait déjà de l’aversion pour ce sale gamin de vingt ans passés. L’être des brumes n’avait pas l’habitude qu’on lui résiste ou qu’on se moque de lui de cette façon. Respecté par le Néant, craint par les Elémentaux, il avait réussi à se faire sa place dans cette guerre millénaire en devenant l’homme de main de Loki en personne. Et pourtant malgré ça, il laissait ce moins que rien abuser de sa patience impunément. En fait, s’il ne faisait rien, c’est surtout qu’il lui avait préparé une petite surprise de l’autre côté du portail. En y pensant, il se dit que c’était l’unique moyen pour repartir sur des bonnes bases avec cet imbécile de Masao. Le général ne comptait pas demander à Apocalypse de changer d’apprenti. Abandonner ne faisait pas partie de son vocabulaire. S’il ne se pliait pas aux règles, alors les règles le briseraient. L’hypocrisie dégagée par ce vaurien d’elfe lui donnait envie de vomir. Quand il le vit traverser le portail, un sourire se dessina sur le visage du prince. Dans moins d’une seconde, Masao allait s retrouver dans une jolie cellule où Ezias pourrait le frapper de tout son saoul. En effet, depuis peu, les parois du cachots avaient été insonorisés. Les cris de l’elfe n’alerteraient personne et il apprendrait plus facilement les bonnes manières.

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« -Rira bien qui rira le dernier … » murmura-t-il en franchissant le portail.

[Les Cachots]

(HRP : C’est super court, désolé ><)